Tchad : se nourrir, la lutte quotidienne pour les réfugiés de Kalambari
Fatimé Said, 26 ans, vit avec ses trois enfants dans le camp de Kalambari au sud de N’Djamena, un site aménagé par le gouvernement tchadien avec l’appui des partenaires humanitaires pour héberger des familles réfugiées camerounaises.
C’est la deuxième fois qu’elle fuit son village dans l’Extrême-Nord du Cameroun à cause des tensions communautaires autour de la gestion des ressources naturelles. La toute première fois c’était en août 2021. Après quelques semaines chez des parents, elle regagna son pays avec sa famille suite à un calme précaire.
« Nous avions emprunté des pirogues de fortune pour sauver nos vies. Dans la débandade, j’ai eu une jambe cassée. Plusieurs personnes ont perdu la vie dans le conflit, » confie-t-elle.
« Quelques jours après notre arrivée, mon mari est parti chercher du travail et gagner de quoi nous nourrir et depuis quelques mois je ne reçois plus de ses nouvelles. »
Maintenant qu'elle est l'unique soutien de la famille, elle a du mal à s'occuper de ses enfants car elle n’a aucune source de revenu. Sa famille à l’instar des autres familles réfugiées ne survit que grâce aux rations alimentaires fournies par le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM) avec l’appui de ses partenaires. Elle reçoit chaque mois une ration familiale composée de céréales, légumineuses et d’huile végétale fortifiée à la vitamine A, mais c'est à peine suffisant pour subvenir à leurs besoins, et la famille est forcée de faire des choix inimaginables tels que se contenter d’un seul repas par jour.
Pour combler les besoins alimentaires de sa famille, Fatimé revendait des légumes qu’elle prenait chez un producteur local. Néanmoins cette activité n’a pas prospéré à cause de l’étroitesse et la saturation du marché. Les réfugiés étant les seuls clients. « Nous étions nombreuses à pratiquer la même activité dans le camp et du coup il y a toujours mévente et le fournisseur a arrêté de nous livrer les légumes, » explique-t-elle.
Non loin de la tente de Fatimé vit Amadou Keiface, la quarantaine, tailleur et réfugié aussi. Dans son village, c’est avec ce métier qu’il nourrissait et pourvoyait aux besoins de sa famille. Mais à Kalambari, il ne peut que compter sur l’assistance alimentaire du PAM car les clients font défaut. Pour reprendre son activité à Kalambari, il a dû emprunter une vieille machine à coudre chez un de ses compatriotes tailleur installé à N’Djamena depuis quelques années.
« Les gens peinent à trouver à manger ici. Ils ne pensent pas trop aux vêtements. La fête passée [Ramadan], j’ai eu quelques clients, mais certains ne m’ont pas encore payé, » témoigne Moustapha, l’air désemparé.
A cette situation de précarité que vivent les réfugiés, vient s’ajouter une crise alimentaire et nutritionnelle sévère dans le pays qui laisse les 1/3 de la population en insécurité alimentaire dont plus de 2,1 millions dans le besoin d’assistance alimentaire d’urgence. Les organismes humanitaires dont le PAM peinent à drainer les ressources nécessaires pour servir les familles vulnérables. Le PAM a actuellement un besoin urgent de financement de 77,1 millions de dollars pour l’assistance saisonnière et 53,4 millions pour les populations affectées par les crises (réponse d’urgence concernant aussi bien pour les déplacés internes que les réfugiés) de juin à novembre 2022.
En effet, le Tchad vit une troisième année consécutive d'insécurité alimentaire sévère et la pire période de soudure des dix dernières années.
Les conflits armés, l’insécurité, les effets du changement climatique et les crises économiques sont les principaux facteurs d’insécurité alimentaire et de malnutrition au Tchad. A ces facteurs déterminants, s’ajoute l’impact de la crise Ukrainienne qui cause une tendance généralisée à la hausse locale des prix des denrées.
Le Tchad abrite actuellement plus de 575 000 réfugiés et 381 289 déplacés internes et retournés.