Sénégal : Bouse de vache, la « pépite verte » des femmes de Kolda
Les chiffres sont choquants : 92 % de notre planete est exposé à de l'air pollué, ce qui entraîne, selon les estimations, 7 millions de décès chaque année. La pollution atmosphérique constitue un risque environnemental pour la santé humaine et une cause évitable de décès et de maladie dans le monde. De plus, elle a des effets néfastes sur notre climat, la biodiversité et les écosystèmes, et la qualité de vie en général.
Avec l'intérêt croissant de la communauté internationale pour l'air pur, l'Assemblée générale des Nations unies a désigné le 7 septembre comme la Journée internationale de l'air pur pour un ciel bleu. Pour marquer l'occasion, nous nous penchons sur l'initiative du Sénégal visant à réduire la pollution de l'air et à améliorer la productivité.
Au village de Talto Diéga à Kolda, région située en Haute Casamance dans le sud du Sénégal, les femmes parcourent au quotidien des dizaines de kilomètres à la recherche du bois de chauffe, devant servir à la consommation domestique. De longueurs heures de marche pour ces ménagères qui, regroupées en association dans des Groupements d'intérêt économique (GIE) — s'adonnent aussi à des activités économiques dans le but d'améliorer leur existence ainsi que de celle des membres de leurs familles.
Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) travaille avec les femmes dans les communautés de la région de Kolda pour alléger leur fardeau en les aidant à installer des biodigesteurs, dans le cadre de l'initiative pour la résilience des communautés rurales : 4R.
La région de Kolda très pluvieuse est riche en herbe, les éleveurs pâturent dans les champs avec leurs bovins ; laissant sur le sol après leur passage, de la bouse de vache issue de la digestion des plantes par les ruminants. Et dans sa mission d'œuvrer pour la résilience des populations, le PAM a contribué au financement de 6 bio digesteurs (appareil servant à la transformation de la bouse de vache en combustible) d'une capacité de 18 m3 dans les régions de Kolda et construits au niveau des unités de transformation de céréales et légumes — notamment gérées par les GIE de femmes — et dans 3 écoles de la région de Kolda. Chaque bio digesteur devant ainsi produire 4,5 m3 de gaz et 90 tonnes d'engrais par an.
Ainsi, la bouse de vache est collectée dans les champs, puis mélangée à de l'eau dans une grande cuve enfouie sous terre. La réaction chimique, appelée méthanisation, produit du biogaz qui est acheminé via un tuyau vers une cuisine. Les résidus de l'opération, sont transformées en un engrais biologique dispersé dans les rizières et jardins maraichers : le digestat.
« Les bienfaits du bio digesteur sont multiples. A chaque fois que j'entends parler du bio digesteur, je suis heureuse. En 2018, je n'avais eu que deux sacs de riz. Notre production de cette année est bien meilleure grâce l'engrais issu du bio digesteur. Là où on se retrouvait avec 100 bottes de riz, on parvient maintenant à avoir entre 150 et 200 bottes de riz» clame Ramatoulaye qui n'hésite pas à esquisser quelques pas de danse, au son de chants traditionnels exécutés par ses amies venues lui prêter main forte dans sa récolte.
Déterminées à œuvrer pour le développement de leur communauté, les femmes bénéficiaires de l'initiative 4R ont décidé de capitaliser sur le biogaz en boostant la transformation de produits locaux. Grâce à un mécanisme interne de prêts financiers appelé warrantage, elles parviennent à acquérir les matières premières nécessaires à la production de boissons de fruits commercialisées dans les marchés de la ville de Kolda.
« Les revenus des ventes nous assurent une indépendance financière et nous permettent de nourrir nos familles, d'acheter des chaussures et vêtements à nos enfants ; mais surtout, d'assurer leurs frais de scolarité. » souligne Dieynaba, membre du GIE de Talto Diéga.
Il est à noter que le PAM, a implanté des bio digesteurs dans 15 écoles à cantine scolaire dans différentes régions du Sénégal pour la première phase d'un programme de « cantines modèles ». Comme une façon de dire que le bio gaz, combustible respectueux de l'environnement, continuera encore à faire des heureux dans le pays de la Teranga.