L'alimentation scolaire et la pratique du football sont une évidence pour Fatma Samoura, Secrétaire Générale de la FIFA
Fatma Samoura, membre du Groupe des amis de l'alimentation scolaire au Sénégal (GAAS), vous manifestez à ce titre votre engagement par plusieurs initiatives en faveur des cantines scolaires, notamment dans ce contexte de crise sanitaire. En rappelant les actions menées aux côtés du Gouvernement et du PAM, pouvez-vous nous partager les raisons de votre militantisme ?
Dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, le GAAS a lancé plusieurs initiatives pour soutenir les efforts du Ministère de l'Education Nationale (MEN) du Sénégal dans la lutte contre le nouveau coronavirus.
Dans un premier temps, des messages enregistrés par des artistes et des personnes de renom sur les gestes barrières ont été diffusés sur les chaînes de télévision nationale et privée aux heures de grande écoute. Ces messages avaient un but éducatif et ciblaient les enfants et les écoliers en particulier.
Dans une seconde phase, le GAAS a fait don de plusieurs centaines de lave-mains au MEN pour aider à minimiser les risques de contagion à la COVID-19 dans les établissements scolaires soutenus par le PAM.
Comme nous le savons tous, l'hygiène jour un rôle prépondérant dans la luttre contre le nouveau coronavirus ; et grâce à ce dispositif, le lavage fréquent des mains - un geste barrière d'une importance vitale - pourra être observé par les écoliers.
Cette initiative a été soutenue par d'autres partenaires de développement qui ont tenu à amplifier le geste du GAASS. Aujou'dhui l'objectif du GAASS est d'étendre l'utilisation de ce dispositif avec tous les accessoires (eau, savon, serviettes jetables et poubelles) à l'ensemble des établissements soutenus par le PAM.
Pour avoir passé plus de 20 ans aux Nations Unies dont 14 au service du Programme Alimentaire Mondial (PAM) dans des pays en proie à des crises humanitaires et politiques complexes, je comprends parfaitement l'importance que revêtait l'alimentation dans la scolarisation des enfants et, notamment celle des jeunes filles.
Pour les enfants qui avaient la chance d'aller dans les écoles assistées par le PAM, le repas servi à la cantine était l'unique repas nutritif quotidien auquel ils avaient accès.
En plus d'être un vrai soulagement pour les foyers en situation de précarité, ces cantines du PAM représentaient pour les gouvernements bénéficiaires un véritable levier de développement humain et leur permettait de réallouer les ressources initialement destinées au fonctionnement des cantines scolaires à la fourniture de matériels scolaires ou à la construction de cuisines et de réfectoires pour la préparation et la prise des repas scolaires.
C'est donc totalement convaincu des bienfaits des cantines scolaires sur l'éducation et la santé des enfants que j'ai répondu favorablement à l'invitation de Mme Ndioro Ndiaye, Coordinatrice du GAASS de rejoindre le Groupe afin de mettre mon expérience au service de la mission du GAASS.
Avant de rejoindre le monde du football, vous avez acquis une grande expérience dans l'humanitaire. Pensez-vous que le sport puisse être un facteur positif pour les personnes vulnérables qui ont besoin de l'assistance du PAM ?
Le football est le sport le plus populaire au monde et il reste en Afrique le sport-roi. Dans les cours de récréation les jeunes filles et jeunes garçons jouent au football car c'est un sport qui se joue avec très peu de moyens. La pratique du sport et l'accès à une alimentation saine et équilibrée permettent aux enfants de se développer, de rester en bonne santé, de socialiser entre eux et de s'épanouir.
Le lien entre alimentation scolaire et la pratique du football est donc pour moi une évidence.
Aujourd'hui dans mes nouvelles fonctions à la FIFA, je me réjouis du partenariat "Football for schools" qui est une initiative de la FIFA, le PAM et l'UNESCO ; et qui permettra à terme d'assister 700 millions d'écoliers à travers le football, les cantines scolaires et une application mobile simple d'utilisation pour les études: le "lifeskills".
Les impacts positifs de l'alimentation scolaire sur la vie des apprenants du point de vue de l'éducation et de la nutrition ne sont plus à démontrer. Avez-vous au cours de votre expérience au PAM, vécu une histoire liée à l'alimentation scolaire et à ses bénéficiaires (communauté, parent ou élèves) que vous souhaitez partager ?
L'alimentation scolaire a été au coeur de mes responsabilités, que ce soit en tant que Chargée de la logistique au PAM, Représentante du PAM ou Coordinatrice des opérations des agences du Système des Nations Unies. Avoir accès à une alimentation saine et équilibrée est un droit fondamental !
Mais l'alimentation scolaire va au-delà de la simple satisfaction d'un droit élémentaire.
En effet, mes missions à Djibouti, au Camourn et en Guinée m'ont permises de réaliser que la plupart des enfants fréquentant les établissements scolaires publics dans les villages, arrivaient le matin à l'école l'estomac vide après avoir parcouru plusieurs kilomètres à pied ; ce qui ne leur permettait pas de concentrer sur les leçons.
Par ailleurs, dans les foyers à faibles revenus qui avaient plusieurs enfants en âge d'être scolarisés, les parents se voyaient obligés de faire un choix en ce qui concerne la scolarisation des enfants.
Et ce choix se faisait le plus souvent au détriment des filles. Les familles préféraient envoyer les garçons à l'école et garder les filles à la maison - pour s'occuper des plus jeunes enfants et des tâches ménagères.
Des études sur l'impact des cantines scolaires sur la scolarisation des filles - notamment lorsqu'elles bénéficiaient de rations alimentaires à emporter, utilisées comme incitation à la scolarisation des filles - montrent que le taux d'abandon pendant les trois dernières années du primaire, était considérablement réduit ; ce qui permettait aux établissements préparant les élèves au certificat d'études primaires, d'enregistrer un taux de réussite au CEP beaucoup plus élevé. L'effet boule de neige aidant, plus d'enfants étaient envoyés l'année suivante à l'école. Durant les cinq années passées à Djibouti, j'ai vu le taux de scolarisation des filles par rapport aux garçons dans le primaire passer de 34 % à plus de 50 %. Et ceci, grâce à l'introduction des cantines scolaires dans la totalité des 50 écoles de l'intérieur du pays. Enfin des études menées montrent que lorsqu'une femme est éduquée, elle est moins exposée aux risques des mariages ou de grossesses précoces ; mais aussi aux risques de donner naissance à des enfants en sous poids.
Selon vous, qu'est-ce le GAASS peut apporter de plus au PAM dans son appui au Gouvernement du Sénégal dans la mise en oeuvre d'un programme national d'alimentation scolaire ?
Le GAASS regroupe des personnes ayant travaillé ou travaillant encore dans des domaines aussi variés que l'art, les sciences, le sport, le développement, l'humanitaire, la politique, etc. et cette grande diversité d'expériences - représente pour le PAM et le Ministère de l'Education Nationale - une ressource non négligeable, en matière d'orientation et de conseils en politique éducative. Les membres du GAASS forment une petite communauté, dont les contributions à la promotion de l'éducation de base et pour la généralisation des cantines scolaires, se font de manière volontaire. C'est un honneur et un privilège de faire partie de ce groupe de réflexion très engagé !
Car l'alimentation scolaire représente pour le Sénégal, un bouclier contre l'analphabétisme et la malnutrition. J'invite les partenaires qui soutiennent l'éducation au Sénégal à accompagner le GAASS dans sa mission.