Retour à la ferme : en Afrique, les jeunes renforcent la sécurité alimentaire

La richesse de Marie Diongue se trouve juste à ses pieds : des centaines de poulets blancs et duveteux se pavanent sur le sol en ciment de son poulailler, dans le nord-ouest du Sénégal.
« Je ne dépends plus de personne, je gagne ma vie », explique cette avicultrice de 26 ans, qui décrit sa transformation : après avoir vécu dans la précarité, elle possède aujourd'hui un troupeau de 300 poulets qu'elle espère voir se multiplier par milliers.
« L'agriculture n'est pas un plan B », affirme-t-elle. « C'est une véritable voie. »
Pour de nombreux jeunes Africains, l'agriculture n'est pas toujours le premier choix de carrière. Ils ne la considéraient pas comme une profession rentable. Ils cherchaient des emplois et des opportunités ailleurs, notamment dans les villes africaines, contribuant ainsi à l'une des urbanisations les plus rapides au monde. Beaucoup d'entre eux n'avaient pas accès aux informations, aux ressources, aux compétences et aux capitaux nécessaires pour créer des entreprises agricoles viables.

Cependant, de plus en plus de jeunes, dont des diplômés universitaires, retournent à la terre et lient leur avenir à l'agriculture, à l'élevage et à d'autres professions rurales, grâce notamment au soutien du Programme alimentaire mondial (PAM) et de la Fondation Mastercard.
En 2022, les deux organisations ont uni leurs forces dans le cadre d'une initiative sur cinq ans visant à renforcer les systèmes alimentaires et à aider la prochaine génération africaine à trouver un emploi dans le secteur agricole. À ce jour, 459 000 jeunes ont bénéficié de ce projet dans huit pays du continent. Ils acquièrent de nouvelles compétences et pratiques, et ont accès à des marchés, à des financements, à des intrants, à des réseaux et à de nouvelles technologies qui leur permettent de s'engager sur la voie de l'autonomie et de l'émancipation économique.
« Voici à quoi ressemble l'agriculture africaine dirigée par les jeunes : elle est dynamique, déterminée et pleine de promesses », déclare Margot van der Velden, directrice régionale du Bureau régional du PAM pour l'Afrique de l'Ouest et centrale. « Avec la Fondation Mastercard, nous semons les graines d'un avenir résilient et riche en opportunités pour les jeunes participants talentueux de ce projet, un avenir qu'ils façonneront. »
Développer la résilience

Dans le village sénégalais de Bokhal, non loin de la frontière mauritanienne, Diongue a grandi en regardant sa mère élever des poulets. « L'élevage de volailles faisait partie de la vie quotidienne », explique-t-elle.
Lorsqu'elle a quitté l'école, elle a repris le métier familial. Si elle savait élever des poulets, elle ne savait pas comment les vendre ni comment gérer une entreprise. « C'était compliqué », se souvient-elle. « Je perdais de l'argent, du temps et le moral. »
En 2024, Mme Diongue a rejoint l'initiative après en avoir entendu parler par des amis. Elle a reçu un kit de démarrage comprenant des poussins, de la nourriture, du matériel et des vaccins. Depuis, elle a fait passer son troupeau initial de 50 poulets à 300, qui picorent leur nourriture dans de longues mangeoires métalliques.
« Le projet ne m'a pas seulement fourni du matériel, il m'a ouvert les yeux », explique-t-elle. Selon elle, la formation pratique a été la plus importante : apprendre à gérer son entreprise, assurer le suivi de ses clients et améliorer la commercialisation de sa volaille. « C'est ce qui a changé ma vie », dit-elle.

À l'autre bout du continent, dans la ville de Mocuba, au centre du Mozambique, les étudiants du supérieur Aida António et Pinto Castigo Mbiza misent également sur les poulets. Grâce à un soutien et à une formation, leur élevage est passé de 200 à 600 volailles, tout comme celui de Diongue.
« Nous finançons nos études universitaires grâce à l'argent que nous gagnons avec cela », explique António, âgé de 28 ans, qui étudie l'économie agricole et les sciences animales.
Les deux jeunes gens ont de grands projets : ils souhaitent produire jusqu'à 30 000 poulets par an et vendre leur viande dans tout le pays. « Nous sommes jeunes et motivés », déclare-t-il.
Le projet s'adresse tout particulièrement aux jeunes femmes, qui sont confrontées à des défis professionnels spécifiques, comme la discrimination et l'accès limité aux postes à responsabilité.

Au nord du Ghana, Bintu Zakaria rêvait de devenir ingénieure agronome, mais la grande pauvreté et l'opposition de sa famille l'ont empêchée de poursuivre ses études. Malgré un mariage précoce et une grossesse, Zakaria n'a pas abandonné. Elle a fini par obtenir un diplôme dans une école d'agronomie située à des centaines de kilomètres de chez elle.
Grâce à un programme de formation dans le cadre de ce projet, elle a pu acquérir une précieuse expérience pratique, obtenir son permis de conduire et décrocher un emploi dans la réparation de machines et la prestation de services d'ingénierie pour les transformateurs alimentaires locaux.
« Je suis très heureuse », déclare cette mère de trois enfants, qui explique comment elle brise les stéréotypes de genre grâce à son travail. Elle ajoute à propos du soutien apporté par le projet : « Il m'a permis de réaliser mon rêve. »
Comme Zakaria, d'autres jeunes diplômés universitaires retournent à la terre, dans un contexte où le chômage des jeunes est élevé et les emplois formels rémunérés rares.
« J'ai obtenu un diplôme en administration des affaires », explique Khalid Hassan, un agriculteur de 24 ans originaire du nord du Kenya. « Mais j'ai choisi l'agriculture, car tout le monde ne peut pas trouver un emploi de bureau. »
Prospérer grâce à la terre

Dans le comté de Wajir, une région aride du Kenya principalement connue pour l'élevage, Hassan et Meimuna Said, une autre diplômée universitaire, tirent leur épingle du jeu sur les terres souvent desséchées de la région. En collaboration avec les autorités locales et des partenaires privés, la branche kenyane du projet forme les jeunes agriculteurs à l'agriculture intelligente face au climat ainsi qu'à des compétences commerciales. Elle les aide également à accéder au crédit et à des technologies telles que la collecte des eaux de pluie, les pompes solaires et l'irrigation goutte à goutte.
« Avant la formation du PAM, je pratiquais l'agriculture à petite échelle », explique Hassan, qui cultive une grande variété de produits, notamment des oignons, des tomates et des patates douces à chair orange riches en nutriments. « Aujourd'hui, je produis suffisamment pour approvisionner les écoles, les restaurants et les commerçants locaux. La demande locale est si forte que je ne peux pas y répondre entièrement, mais c'est un bon problème. »
Hassan et Said élèvent également des abeilles, des volailles et quelques animaux d'élevage. Cette activité leur permet de diversifier les sources de revenus et de subsistance de leur famille, et de renforcer leur résilience face à des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus intenses et fréquents. Ils affirment ne pas renoncer à leurs traditions pastorales, mais plutôt les associer à l'agriculture de manière que les deux activités en tirent profit.
Aujourd'hui, les deux agriculteurs partagent leurs connaissances et leurs compétences avec leurs pairs par le biais de réseaux appelés « centres de services agricoles ». « C'est comme être consultant », explique Said. « Je ne me contente pas de cultiver la terre, j'aide aussi les autres à réussir. »
« Les gens me considèrent comme un leader, un acteur du changement », ajoute Hassan, ce qui le motive à en faire davantage, non seulement pour lui-même, mais aussi pour sa communauté.

Ici et partout sur le continent africain, les jeunes prouvent que l'agriculture peut être intelligente, durable et source d'autonomie. Leurs histoires commencent peut-être dans un poulailler, un potager ou un atelier d'un village local, mais elles révèlent un changement plus profond dans la façon dont ces jeunes et leurs communautés cultivent, mangent et prospèrent.
Pour alimenter ce changement et libérer le potentiel agricole du continent, il faut que davantage d'organisations unissent leurs forces pour investir dans la jeunesse africaine.
De retour dans le nord du Sénégal, Diongue planifie également son avenir. Elle prévoit de multiplier son élevage de poulets pour atteindre 2 000 poussins et de se lancer dans l'engraissement de bétail.
À l'instar de ses homologues kenyans, elle espère montrer l'exemple. « Pour montrer aux autres jeunes qu'il est possible de créer une entreprise ou une exploitation agricole avec succès », dit-elle. « Il suffit d'y croire et d'être bien accompagné. »
En savoir plus sur le travail du PAM au Ghana, au Kenya, au Mozambique et au Sénégal
En 2022, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies et la Fondation Mastercard ont conclu un partenariat de cinq ans pour renforcer les systèmes alimentaires et promouvoir la création d'emplois dans les chaînes de valeur agricoles pour les jeunes issus de communautés vulnérables en Afrique. Cette collaboration vise à rendre les systèmes agroalimentaires locaux plus efficaces, durables et inclusifs pour les jeunes, en particulier les femmes, dans huit pays : le Ghana, le Kenya, le Mozambique, le Nigeria, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et l'Ouganda.