À Mopti, des coupons alimentaires synonymes d’espoir
Théâtre de violences depuis plusieurs années, la région de Mopti accueille aujourd'hui plus de 85 000 personnes déplacées en quête de paix et de sécurité. Autrefois prisée des touristes, la capitale régionale éponyme surnommée "la venise du Mali" est devenue peu à peu l'épicentre des violences. En cette matinée de février 2020, je suis parti à la rencontre de celles et ceux qui ont du tout laisser derrière eux pour sauver leurs vies.
Dans une école d'un quartier de Sévaré, située à une dizaine de kilomètres de Mopti, s'entassent 101 familles. Réquisitionnée par les autorités locales à leur arrivée sur place, l'école primaire abrite aujourd'hui 400 femmes, hommes et enfants, cohabitant par dizaines dans des classes exiguës. Forcés de fuir une nuit de janvier suite à l'attaque de leur village, un déplacé me raconte "Ils ont incendié le village et pris le bétail, on a tout perdu". Les stigmates de l'attaque sont d'ailleurs visibles puisque parmi les rares affaires qu'ils ont pu emporter dans la précipitation, j'observe quelques casseroles et matériels de cuisines déformés par les flammes.
"Sévaré est une ville de la sécurité, une ville de l'espoir" me confie un autre déplacé lorsque je lui demande pourquoi s'être dirigé ici. "Nous espérions avoir une aide en arrivant ici car nous avons les mains vides." poursuit-il.
Après une évaluation de la situation avec les partenaires gouvernementaux et humanitaires, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a fourni dès janvier des coupons alimentaires d'un montant de 38 500 Francs CFA par ménage, soit l'équivalent de 58 Euros, leur permettant d'acheter les denrées alimentaires de leur choix auprès de boutiquiers partenaires de la ville. Grâce à leurs avantages en matière de flexibilité, d'efficacité et de choix laissé aux bénéficiaires, les espèces et coupons prennent une place de plus en plus importante dans les programmes de lutte contre la faim.
"Hier avec mes coupons, j'ai acheté du riz, de l'huile, du lait et 25 kg de mil" m'explique Kadidia qui est en train de préparer le tô, pour ses 5 enfants. Un mets courant au Mali préparé à base de farine de mil (ou de sorgho) et d'eau, habituellement servi sous forme de pâte et consommé avec une sauce. "Grâce à Dieu et au PAM, on a quelque chose à manger car mes enfants sont trop jeunes pour travailler", poursuit-elle. L'assistance alimentaire d'urgence s'avère indispensable pour des milliers personnes vulnérables touchées par une crise afin d'assurer une riposte rapide, efficace et conforme à la stratégie nationale de protection sociale.
"Ce que nous souhaitons, c'est avant tout du travail pour les jeunes."
Ayant perdu tout moyen de subsistance du jour au lendemain, ils font preuve d'une incroyable résilience et ne manquent pas d'inventivité pour avoir des sources de revenus. Le jeunes font le foin, d'autres vendent le charbon, certains proposent leurs services comme manœuvre pour quelques centaines de Francs par jour. Aussi, je croise ce vieil homme, calme et imperturbable, adossé au mur soutenant le tableau de l'école. Il confectionne minutieusement 2 à 3 mètres de corde chaque jour en recyclant les sacs en jute contenant auparavant des vivres, qu'il revendra au marché à 300 Francs pièce. Un bien maigre butin, mais devenu essentiel pour lui et sa famille.
Dans le couloir menant aux dortoirs provisoires regroupant les femmes et les enfants, je croise Korka, une jeune maman de 18 ans, qui a deux garçons et une fille qu'elle tient dans ses bras. Depuis son arrivée à Sévaré, son quotidien s'est transformé en débrouille avec de petits boulots lui permettant de gagner un peu d'argent pour subvenir aux besoins de sa famille.
"J'ai tout perdu en quittant le village, mais le plus important, c'est de prendre soin de mes enfants." précise-t-elle.
Son optimisme est saisissant, à aucun moment le sourire ne quittera son visage.
Depuis 2012, le Mali est confronté à une crise multidimensionnelle. Les trois dernières années ont vu une expansion de l'instabilité dans le centre du pays et une forte augmentation des déplacements de populations, augmentant de fait, les besoins humanitaires. La propagation de l'insécurité liée aux conflits et aux affrontements inter-communautaires ont un impact négatif sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plusieurs centaines de milliers de personnes.
Les résultats du Cadre Harmonisé de mars 2020 montrent une forte détérioration de la situation de sécurité alimentaire et nutritionnelle avec actuellement environ 3,5 millions de personnes confrontées à l'insécurité alimentaire, dont 757 00 personnes sont en situation d'insécurité alimentaire sévère.
Dans la région de Mopti, où 20% des villages ont enregistré peu ou pas de récolte en 2019, le besoin d'aide alimentaire est continu. Selon les prévisions pour la prochaine période de soudure agricole (juin/août 2020), près de 5 millions de personnes devraient souffrir d'insécurité alimentaire au Mali, dont 1,3 million de personnes en situation d'insécurité alimentaire sévère.
Avec la tendance croissante des besoins humanitaires au Mali, il est aujourd'hui impératif d'intensifier la réponse humanitaire tout en trouvant des solutions adéquates pour s'attaquer aux causes profondes des vulnérabilités des populations.
En 2019, le PAM est intervenu auprès de plus d'un million de personnes au Mali, dont plus de la moitié à travers des programmes d'alimentation d'urgence. Ces interventions sont possibles grâce à l'appui de l'Allemagne, la Belgique, le Canada, la République de Corée, le Danemark, l'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, la France, le Japon, le Luxembourg, le Mali, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et l'Union européenne.
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