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AFCON: rêver football en RDC alors que les conflits et le changement climatique engendrent la faim

La joie de la Coupe d'Afrique des Nations est entachée par les déplacements de population et la flambée des violences sexuelles à l'Est du pays alors que le Programme alimentaire mondial est contraint de prendre de difficiles décisions par manque de financement.
, Shelley Thakral
À regarder : Distel Zola, supporter de haut niveau du PAM et footballeur, propose des coups francs contre la faim

La République démocratique du Congo est, avec l'Afghanistan, le Yémen et  la Syrie, l'une des plus grandes urgences du Programme alimentaire mondial  (PAM) des Nations Unies - ébranlée par des décennies de conflits et de changement climatique qui continuent de réduire l'accès des populations aux aliments les plus élémentaires, augmentant la faim à des niveaux sans précédent.

Avec la crise mondiale de financement et l'augmentation des besoins humanitaires auxquelles le PAM fait face, les histoires horribles - notamment de violence sexuelle - qui se passent dans l'est de la RDC soulèvent une question simple : comment se fait-il qu'une tragédie de cette ampleur reçoive si peu d'attention ?

Nous appelons cela une « priorité extrême » : fournir des rations complètes pendant six mois à un nombre inférieur de personnes.

Pour en savoir plus sur les défis auxquels la RDC est confrontée, nous nous sommes entretenus avec Natasha Nadazdin, directrice adjointe du PAM en RDC basée à Kinshasa. Avec tous les yeux rivés sur la Coupe d'Afrique des Nations, c'est peut-être le moment de réfléchir aux possibilités des enfants de la RDC - et, de tous les enfants du continent - s'ils reçevaient la nourriture, l'éducation et la formation dont ils ont besoin. 

 
Pourriez-vous décrire la situation en RDC ?

La situation est si mauvaise, si difficile pour la population, et à une échelle si vaste, qu'il est incompréhensible que ces problèmes aient disparu de l'agenda des médias internationaux ; un état de tragédie pour des millions de personnes est largement considéré comme le défaut du pays, son lot, alors que des douzaines de groupes armés se disputent ses richesses naturelles.

The Bulengo camp for displaced people in North Kivu kicked off 2024 with a football festival for WFP provided logistical support
Les résidents du camp de déplacés de Bulengo, au Nord-Kivu, en RDC, participent le 6 janvier à une fête autour du football organisée par la Confédération africaine de football à laquelle le PAM apporte un soutien logistique. Photo : PAM/Michael Castofas

Les luttes pour le pouvoir - et pas seulement celles du pays - ont plongé l'est du pays en particulier dans un cycle impitoyable de conflit et d'insécurité. Plus de 6 millions de personnes sont déplacées et coupées de leurs pâturages - dont 720 000 personnes qui ont fui leur foyer depuis octobre. Les moyens de subsistance sont saccagés. Les rapports de viols de femmes et de filles sont déprimants, alors que l'anarchie expose des dizaines de milliers de personnes aux violences basées sur le genre.

Ensuite, il y a la "malédiction des ressources" de la RDC - la demande de minéraux tels que le cobalt, l'or et le cuivre est très élevée dans le monde entier, mais il n'y a rien pour ceux qui sont déracinés de leurs maisons car la richesse ne descend pas jusqu’aux plus pauvres.

Quelle est l'ampleur du défi ?

Plus de 25 millions de personnes - un quart du pays - sont en phase 3 ou 4, en état de crise et d'urgence de la faim selon la norme mondiale de mesure de l'insécurité alimentaire (IPC - dont la phase 5 étant la "catastrophe" et la "famine").

Des décennies de conflit, des dizaines de groupes armés, l'instabilité politique - et bien plus encore - se recoupent avec le changement climatique, de telle sorte que chaque jour devient une question de survie pour les Congolais.

Les routes et les ponts sont souvent détruits ou bloqués, ce qui entraîne des pertes de nourriture car les camions empruntent des itinéraires plus longs.

Les sécheresses, les inondations et autres impacts climatiques déciment les cultures. Là où la nourriture est cultivée, les agriculteurs ont du mal à accéder aux marchés. Les routes et les ponts sont souvent détruits ou bloqués, ce qui entraîne des pertes de nourriture car les camions sont obligés de prendre des itinéraires beaucoup plus longs pour se rendre d'un point A à un point B.

Et l'allègement des pressions commence à l'Est ?

Bien qu'il soit important de reconnaître la dynamique unique de chaque région, s'attaquer aux problèmes dans les provinces de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu qui sont le théâtre de conflits, contribuerait à améliorer la stabilité et le développement de la RDC dans son ensemble. 

Mais cela nécessite la paix, le retour et la réinstallation en toute sécurité de la population déplacée.

De retour sur leurs terres, leur travail inciterait à investir dans les infrastructures rurales et les activités de renforcement de la résilience. Cela nécessiterait également la réintégration des combattants dans une main-d’œuvre capable d’aider la RDC non seulement à se débrouiller seule en termes d’agriculture, mais également à exporter de la nourritue.

De quoi le PAM a-t-il besoin pour les six prochains mois ?

Pour atteindre le minimum absolu prévu par le PAM - à savoir 1,5 million de personnes parmi les plus vulnérables, le besoin de financement net est de 381,2 millions de dollars pour les six prochains mois. Mais pour poursuivre nos opérations plus larges, nous avons besoin de 567,8 millions de dollars.

Comment faisons-nous face à ce déficit ?

Nous appelons cela une hiérarchisation extrême : fournir des rations complètes pendant six mois à un plus petit nombre de personnes plutôt que de répartir l'aide de manière à ce que personne ne soit suffisamment servi. C'est une décision douloureuse - c'est pourquoi nous avons un besoin urgent de fonds.

VIDEO: une piste d'atterrissage restaurée par le PAM permet d'acheminer des produits essentiels dans la province du Kasaï
Pourriez-vous décrire notre travail avec d'autres agences ?

Le PAM travaille en étroite collaboration avec des agences telles que la FAO et l'UNICEF, en particulier dans les provinces du Tanganyika et du Kasaï.



Les projets soutenus par la Suède et la Norvège permettent d'allier le travail humanitaire, le développement et la paix. Ainsi, il y a une réponse aux besoins immédiats tout en réduisant les besoins à long terme grâce à des activités économiques, sociales, techniques et de résilience pour améliorer la capacité des gens à répondre aux crises.

Au cours de l'année écoulée, le PAM a mené plusieurs analyses sensibles aux conflits pour mieux éclairer sa programmation, notamment dans le cadre d'un projet conjoint avec la FAO dans le Kasaï. La protection des personnes que nous servons est au cœur des interventions du PAM.

Cela nous ramène aux problèmes auxquels sont confrontées les femmes et les filles

Les femmes vivant dans des camps de personnes déplacées sont face à un choix impossible, de laisser leur famille avoir faim ou de faire face à la violence sexuelle alors qu'elles sont à la recherche de nourriture et du bois de chauffe, ou sont forcées de passer à des stratégies dangereuses telles que la prostitution pour survivre.



Cette augmentation alarmante des violences basées sur le genre s'explique par un ensemble de raisons : des relations de genre très inégales, une culture d'impunité, un système judiciaire faible, des déplacements et des conditions de vie dangereuses, la faim et la pauvreté, aggravées par le manque d'accès à la nourriture et un financement insuffisant pour l'aide humanitaire.

À voir : la grande journée de football au camp de Bulengo en RDC

Une aide alimentaire régulière et prévisible peut atténuer certaines de ces stratégies de survie. Au PAM, nous tenons à souligner les liens entre l'insécurité alimentaire et les risques élevés auxquels les femmes sont confrontées dans l'est de la RDC. La fourniture d'une aide alimentaire est aussi importante que l'accès au logement, à l'eau et l'assainissement - c'est pourquoi un plaidoyer conjoint, des solutions intégrées et une programmation conjointe avec de nombreux partenaires et parties prenantes sont essentiels.  


En images : le PAM dans l’Est de la RDC
A woman in a camp in Bunia runs a makeshift stall started with WFP cash assitance. Photo: WFP/Michael Castofas
Une femme du camp de déplacés de Bunia, à Mahagi, en Ituri, tient un stand de fortune ouvert grâce à l'aide en espèces du PAM. Photo : PAM/Michael Castofas
Displaced by conflict, Anoinette and her family find safety in a camp for displaced people in Bunai, Itury province
Déplacées par le conflit, Antoinette et sa famille trouvent refuge dans un camp pour personnes déplacées à Bunai, dans la province d'Itury. Photo : PAM/Benjamin Anguandia
A WFP food distribution in the Bulengo camp for displaced people in eastern DRC
Une distribution alimentaire du PAM dans le camp de Bulengo pour personnes déplacées dans l'est de la RDC. Photo : PAM/Benjamin Anguandia
A WFP food distribution for people affected by floods in Kalehe, South Kivu
Une distribution alimentaire du PAM pour les personnes touchées par les inondations à Kalehe, au Sud-Kivu. Photo : PAM/Benjamin Anguandia
Displaced people line up for cash assitance at the Rusayo camp in North Kivu. Photo: WFP/Michael Castofas
Des personnes déplacées font la queue pour obtenir une aide en espèces au camp de Rusayo, au Nord-Kivu. Photo : PAM/Michael Castofas
En savoir plus sur la réponse d'urgence du PAM en RDC 

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