Quand le temps s'est arrêté au Liban
Il y a six mois, tous les regards se sont tournés vers la capitale libanaise, Beyrouth, après une explosion massive qui a ravagé son port et ravivé les blessures d’une population fragile, confrontée au mécontentement civil, à une crise socio-économique et à une forte augmentation des cas de COVID-19.
«En tant que Libanais, je n'aurais jamais imaginé que mon pays et ses habitants tomberaient un jour à ce niveau de besoin», s'exclame Cyril Noujeim, responable de programmes au bureau du PAM au Liban, et qui a débuté avec l'organisation en 2012 comme moniteur de terrain - l'année où le PAM a ouvert ses bureaux dans le pays. «L'année 2020 a été exceptionnelle ! Nous avons ajusté nos opérations au Liban et nous nous sommes retrouvés à travailler au milieu d'une crise de haut niveau».
Le Liban accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens par habitant au monde. Cependant, l’année écoulée a été l’une des plus difficiles que le pays ait jamais connues; les gens généralement considérés comme appartenant à la classe moyenne et n'ayant pas besoin d'aide se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté.
Les prix des denrées alimentaires ont presque triplé, tandis que les opportunités de revenus se sont considérablement réduites en raison du ralentissement économique.
La monnaie très volatile continue d'alimenter l'inflation. Cela entrave gravement la capacité des familles libanaises à répondre à leurs besoins essentiels.
Une enquête conjointe du Programme alimentaire mondial (PAM)et de la Banque Mondiale a récemment montré qu'une famille libanaise sur cinq a une consommation alimentaire inacceptable; n'ayant pas assez de nourriture.
«Lorsque l'explosion a frappé, je travaillais chez moi. Après avoir réalisé ce qui s'était passé, j'ai immédiatement eu le besoin de me rendre sur place et de soutenir les blessés, de toutes les manières possibles », explique Cyril qui a donné du sang juste une semaine avant l'explosion et apporte maintenant son soutien à travers la réponse de l'organisation.
Avec un virus persistant et une ville presque à genoux, être sur le terrain était un défi supplémentaire pour Cyril et les équipes du PAM toujours en mouvement, entre les sites de distribution et les entrepôts, et qui soutenaient chaque jour des centaines de personnes. «Nous avions tous des parents âgés qui nous attendaient à la maison, mais nous ne pouvions pas rester sans rien faire - une crise était beaucoup plus grande et urgente dehors», explique Cyril qui était en première ligne de la réponse humanitaire de l’organisation. «J'ai fini par m'isoler et ne pas voir ma famille pendant une très longue période», ajoute-t-il en mentionnant les multiples tests PCR pour lesquels il s'est assis et qui sont maintenant devenus la norme chaque fois qu'il veut retrouver un être cher.
Immédiatement après l'explosion, le PAM a aidé 11 000 personnes avec des colis alimentaires dans les quartiers durement touchés de Karantina, Bourj Hammoud, Gemmayze, Geitawi et Khandaa El Ghamee à Beyrouth. Le PAM a également distribué des colis alimentaires aux partenaires locaux et aux ONG pour aider les cuisines communales à fournir plus de 3 000 repas chauds par jour aux familles touchées et aux volontaires qui nettoient les quartiers.
«Ce qui me ravit le plus, c’est de voir la satisfaction sur les visages des gens», déclare Cyril. «Le colis alimentaire que nous fournissons est suffisant pour nourrir une famille de cinq personnes pendant un mois», ajoute-t-il, se rappelant les témoignages confiés par les victimes et la façon dont ils dépensaient leurs économies au quotidien pour répondre à leurs besoins après avoir pratiquement tout perdu.
Près de six mois après l'explosion inoubliable, le PAM poursuit sa réponse en soutenant 89 000 autres bénéficiaires grâce à une assistance en espèce polyvalente, sans restriction.
«Ce qui nous attriste en revanche, c'est de ne pas pouvoir soutenir tous ceux qui en ont besoin. Nous avons des évaluations détaillées de la vulnérabilité a renseigner qui durent 45 minutes et nous orientent vers les plus vulnérables. Nous souhaitons pouvoir aider tout le monde, mais c’est impossible ! » dit Cyril.
Une enquête récente du PAM estime que 85 pour cent des familles du pays ont été poussées à acheter des aliments moins chers et de faible valeur nutritionnelle. La moitié des familles interrogées ont déclaré qu'elles limitaient les portions de repas après que près d'un cinquième de la population a vu son salaire diminuer.
Cette année, Cyril prévoit de rester à Beyrouth et de «se tenir aux côtés de son pays et de ses habitants qui ont besoin d’aide». Il est également très heureux de «voir le changement que le PAM apporte dans la vie des personnes vulnérables».
«Nous devons également penser à prendre soin de nous-mêmes. Cela nous pousse à travailler plus en sécurité, tout en étant acteur du changement que nous souhaitons voir dans notre pays », dit Cyril. «L'augmentation alarmante du nombre de personnes qui n'ont pas assez à manger appelle à tous les efforts pour aider à atténuer leurs difficultés.»