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Une agricultrice au Kenya autonomise les femmes vulnérables

Le programme d'appui aux moyens de subsistance soutenu par le Programme alimentaire mondial permet à Habiba de soutenir les personnes en difficulté dans sa communauté
, Par Martin Karimi
Habiba poses for a picture
L'heure de la croissance : Habiba dans sa ferme au nord-est du Kenya, ouverte aux personnes qui souhaitent devenir autonomes. Photo: PAM/Martin Karimi

Cet article marque la Journée internationale de la femme 2021 : "Les femmes dans le leadership, pour un avenir égal dans un monde COVID-19"

 

"Ma religion ne me permet pas de me remplir l'estomac quand mon voisin a faim", dit Habiba. "Donc, je dois aider autant que je peux avec le peu que j'ai. Pour moi, c'est la sadaqah [la notion islamique de "charité volontaire"]."

L'agricultrice de 45 ans est une figure influente du comté de Wajir dans la région aride du nord-est du Kenya.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) travaille avec le gouvernement du comté de Wajir pour garantir que les agriculteurs comme Habiba puissent accéder à l'expertise technique dont ils ont besoin pour diversifier leurs moyens de subsistance. Au Kenya, le PAM aide quelque 390 000 personnes dans le cadre d'initiatives pour renforcer les moyens de subsistance, dont 51 % sont des femmes.

Habiba se décrit comme une militante communautaire « ayant à cœur d'aider les autres femmes ».

Mère de sept enfants, elle protège actuellement 14 femmes de la faim. Ensemble, ils forment le Goupement agricole Habiba.

Les hommes demanderont : "Pourquoi investir dans son éducation alors qu'elle se mariera et partira de toute façon"

"En tant que leader, en tant que mère, je n'ai pas d'argent à offrir", dit-elle. "J'ai décidé d'ouvrir ma ferme [aux femmes vulnérables]."

En 2000, Habiba a acheté un peu plus de 3 hectares de terres agricoles. Elle a travaillé pour une organisation caritative locale sensibilisant la communauté sur les questions de genre et d'autonomisation des femmes. Elle est déterminée à protéger les femmes des abus dont elle a été témoin au fil des ans.

"Dans notre culture, les femmes ne reçoivent généralement pas la reconnaissance qu'elles méritent," dit-elle —  "même de nos jours."

Le groupement Habiba a été formé en 2017. Une sécheresse dévastatrice dans le nord du pays a tué du bétail, laissant les familles dans un dénuement total. Les femmes étaient de plus en plus vulnérables.

« C'est dégradant lorsqu'une femme n'a pas les moyens d'acheter des serviettes hygiéniques [menstruelles] parce qu'elle n'a pas d'argent ou de biens propres », dit Habiba. « D'autres, en particulier les jeunes filles, n'ont rien à rapporter chez elles et peuvent facilement être attirées par la drogue, incitées à rejoindre des groupes extrémistes. » Elles subissent également des violences et des agressions sexuelles, dit-elle.

« Dans cette communauté [somali], l'éducation des filles est toujours considérée comme un gaspillage de ressources », dit-elle. « Les hommes demanderont : ‘Pourquoi investir dans son éducation alors qu’elle va se marier et partir de toute façon ? »

Face à de telles attitudes, de nombreuses filles finissent par se marier tôt et avec peu ou pas d'éducation. Elles comptent sur leur mari pour tout  —  une situation qui les rend vulnérables aux abus.

Fardosa est l'une des membres du groupement agricole Habiba. Elle a 23 ans, c'est du moins ce qu'elle suppose. Elle est mariée depuis cinq ans et a trois enfants. Elle n'est jamais allée à l'école, même pas un jour, simplement parce qu'elle est 'née fille'. Elle a été mariée vers l'âge de 15 ans à un conducteur de charrette à âne.

Aujourd'hui, elle vit dans un bidonville à la périphérie de la ville. Son mari ramasse du bois de chauffage dans les bosquets voisins et le vend dans les maisons ou au marché local pour gagner un revenu. Fardosa ne connaissait aucun autre mode de vie jusqu'à ce qu'elle rencontre Habiba.

 

Besoin urgent

"Normalement, nous nous réunissons en groupe une fois par semaine et délibérons sur les questions qui affectent le groupe," explique Habiba. “Nous ne devons pas nous revoir avant la semaine prochaine —  mais Fardosa voulait me rencontrer à la ferme aujourd'hui, ce qui signifie qu'elle doit avoir un besoin urgent."

Comme le soupçonne Habiba, les provisions de Fardosa sont épuisées et elle est venue voir si elle peut prendre des tomates.

« Les membres du groupement sont libres de récolter les produits, en particulier le chou frisé et les tomates. Nous cultivons ces [légumes] pour donner aux membres une alimentation saine », explique Habiba.

Fardosa est satisfaite. « Maintenant, mes enfants mangent bien grâce à la ferme », dit-elle. Elle est membre depuis environ deux ans. « Je reçois des légumes gratuitement ici. Je reçois aussi de l'argent chaque mois, que j'utilise pour acheter d'autres produits alimentaires comme de la farine.

En plus de cultiver du chou frisé, des épinards et des tomates, le groupement cultive de la papaye et de la pastèque.

À la fin de chaque mois, les femmes se rencontrent et parcourent les livres de comptes avec l'aide de Farhiya, 25 ans, la secrétaire du groupement. Le bénéfice réalisé sur les ventes est partagé.

Ce bénéfice partagé est ce que Fardosa utilise pour répondre à ses autres besoins ménagers.

En moyenne, chaque membre remporte 5 000 shillings kenyans (45 USD).

"Je suis diplômée, mais je n'ai pas trouvé d'emploi —  Habiba m'a amené ici pour aider à tenir les registres. Ça m'occupe et je gagne de l'argent"

Grâce à cet argent, certaines femmes ont pu se lancer dans différentes activités de subsistance, notamment en gérant de petites entreprises. Par exemple, six membres du groupement ont ouvert des restaurants grâce aux économies réalisées sur la ferme de Habiba.

« Certains de nos membres gèrent des restaurants en ville, mais en 2020, le coronavirus a frappé leurs entreprises », explique Farhiya. « Lorsque les restaurants ont fermé, les membres ont commencé à vendre des produits frais de la ferme afin de pouvoir continuer à gagner leur vie. »

« Tout membre dans le besoin peut venir ici et ramasser des fruits ou des légumes et les vendre au marché », explique Habiba. « S'ils font une vente de 100 shillings [0,90 $ US], ils gardent 30 shillings et remettent 70 shillings au groupe.

La ferme de Habiba rapporte environ 900 USD par mois. Après avoir payé l'ouvrier agricole et les frais d'électricité pour le pompage de l'eau du puits peu profond jusqu'aux cultures, le groupe réalise toujours un bénéfice.

« Cette ferme est un sanctuaire pour nous toutes », déclare Farhiya Ahmed. « Je suis diplômée, mais je n'ai pas trouvé d'emploi —  Habiba m'a amené ici pour aider à tenir les registres. Cela m'occupe et je gagne un peu d'argent.

Farhiya est l'aînée de neuf enfants élevés par un ouvrier de la ville et une femme au foyer, et éduquée grâce à des bourses. Aujourd'hui, elle aide ses parents à nourrir la famille.

Un plan qui éclore

Habiba a de grands rêves pour le groupement.

"Nous devons créer une ferme avicole", dit-elle. "Si nous économisons suffisamment pour mettre en place un couvoir et commencer à vendre des poussins d'un jour, des oiseaux pour la viande et des œufs, je suis sûre que chacune de nous toucherait un beau salaire à la fin de chaque mois.

Habiba is pictured with her chickens
Bonne chance à Habbiba qui souhaite démarrer un couvoir pour les agricultrices. Photo: PAM/Martin Karimi

 "Nous travaillons en partenariat avec les gouvernements nationaux et de comté en tant que catalyseur de développement", déclare Lauren Landis, directrice du PAM au Kenya. "Notre rôle principal est d'aider le gouvernement à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de tous les Kenyans, tout en restant réactifs pour répondre aux urgences."

Lynette Watiti (R), Head of WFP's field office in Wajir, speaks with Adan Rago (L) from Wajir County and Farhiya Ahmed, the secretary of the Habiba Farmers Group.
Lynette Watiti, à droite, responsable du bureau terrain du PAM à Wajir, s'entretient avec Adan Rago du comté de Wajir et Farhiya Ahmed, secrétaire du groupement agricole Habiba. Photo: PAM/Martin Karimi

Adan Rago Hassan, responsable de la santé du bétail du comté de Wajir, a conçu un couvoir pour le groupe Habiba et est prêt à les soutenir dans sa construction une fois que les fonds nécessaires auront été levés.

« Chaque fois que nous voulons introduire une nouvelle culture ou relever un défi, nous appelons les conseillers du comté pour nous aider », explique Habiba.

Habiba est convaincue que chaque membre du groupement, qu'il soit jeune ou vieux, scolarisé ou non, s'épanouira sous ses ailes et finira par atteindre de plus hauts sommets.

En savoir plus sur l'action du PAM au Kenya