Quand les populations se déplacent, nous les accompagnons
Par Pauline Gay, traduit de l'anglais
Au début du mois, en rentrant à Qamishli d'une mission à Al Hasakar en voiture, Isam Ismail, Chargé de programme du PAM, observe le ciel. C'est à ce moment qu'il aperçoit les premiers missiles tirés au loin. Des tirs qui marqueront le début de la reprise des combats dans le nord-est de la Syrie.
Il s'est rappelé le quotidien des habitants des villes attaquées et a imaginé ce qu'ils ressentaient. Ses souvenirs l'ont ramené en 2012, alors que les violences venaient d'éclater dans sa ville natale, à la périphérie de Damas. Il se souvient de sa mère, de son père, de ses frères et sœurs qui fuyaient la maison familiale, du bruit des mortiers qui s'échappaient et de la douleur lente et prolongée de tout perdre et de fuir.
Le soir même, il savait qu'au cours des prochains jours, des milliers de personnes fuiraient les bombardements. Il devait retourner auprès du PAM et des 30 agents recrutés sur le plan national dont il était responsable. Il devait faire en sorte que l'intervention d'urgence se poursuive.
Khadijah et Mustafa
A des kilomètres de là, dans la ville de Ras Al Ayn, Khadijah a dû rapidement mettre son fils adulte handicapé Mustafa dans son fauteuil roulant et quitter leur maison. "J'étais en train de finir de préparer le repas pour notre famille quand l'explosion a commencé", se rappelle-t-elle. "On ne pouvait pas manger une bouchée."
Khadijah, veuve, a poussé le fauteuil roulant de Mustafa à pied pendant plus de sept heures, avant qu'une voiture ne vienne enfin les mettre à l'abri, à 79 km de leur domicile. La seule chose à laquelle elle pensait, c'était de mettre son fils en sécurité.
"La dernière photo que j'ai de ma maison est une photo de la salle à manger où le dîner a été servi. Nous avons dû fuir sans rien emporter avec nous" se confie-t-elle.
Salja
A Tel Abyad, Salja Modhi, 73 ans, ainsi que les 12 membres de sa famille se sont échappés alors que les bombes pleuvaient.
Dans le chaos qui a suivi, ils ont eu du mal à trouver une voiture pour se rendre dans un endroit sûr. Lorsqu'ils y sont enfin parvenus, le voyage n'en a pas été moins difficile. Entassés, ils ont voyagé dans un convoi de plusieurs centaines de personnes déplacées. À leur arrivée, ils n'ont pas bénéficié d'un accueil chaleureux ni d'un refuge sûr. "Nous n'avions nulle part où dormir, nous avons dormi une nuit dans le désert."
Salja et sa famille ont été extrêmement soulagées lorsqu'une ONG humanitaire les a emmenés dans un refuge collectif. "Tout ce que nous demandons maintenant, c'est d'avoir de quoi survivre, comme de la nourriture."
Alors qu'elle s'installait dans le refuge, la famille espérait que leur maison ne serait pas détruite. Salja était effrayée à l'idée qu'ils n'auraient jamais l'occasion de rentrer chez eux.
Faire face à l'urgence
Contrairement à Isam, qui a rejoint le PAM en 2008 en tant qu'observateur sur le terrain à Damas et a ensuite travaillé dans des zones de combats intenses comme Alep, Homs, Idlib et Damas, de nombreux fonctionnaires du PAM à Qamishly n'avaient jamais subi de bombardement.
La sécurité du personnel et de leurs familles était une priorité. Une résidence sécurisée a immédiatement été mise en place pour ces derniers si besoin. Seul le personnel essentiel était attendu au bureau. "Je prends très au sérieux ma responsabilité concernant tous mes collègues, tant sur le plan de la sécurité que sur celui de leur bien-être psychologique. C'est important pour qu'ils poursuivent leurs efforts afin d'atteindre nos bénéficiaires déplacés qui vivent l'horreur."
Le bureau du PAM à Qamishli vient en aide à plus d'un demi-million de personnes en apportant chaque mois une aide alimentaire aux gouvernorats d'Al-Hasakeh et d'Ar-Raqqa. Un chiffre qui va maintenant augmenter. Isam et son équipe ont travaillé 24 heures sur 24 pour cartographier l'endroit où les bombardements se produisaient, mais aussi pour suivre les déplacements des populations.
Les plans de distribution de vivres ont été ajustés pour atteindre un plus grand nombre de personnes et inclure davantage de rations alimentaires prêtes à consommer pour les personnes déplacées. Les employés d'entrepôts ont travaillé toute la nuit en ce sens.
"Nous étions déterminés à atteindre les personnes déplacées. Quand ils se déplacent, nous nous déplaçons aussi", affirme Isam. "Nous sommes pour la plupart syriens et nous sommes tous des humanitaires engagés. Je défie quiconque de ne pas verser une larme lorsqu'on voit ses amis, ses voisins, sa famille dans cette terrible situation. C'est très motivant de servir son propre peuple et de lui apporter de la nourriture et du soutien en ces temps difficiles".
Plus de 170 000 personnes ont fui les combats jusqu'à présent, cherchant refuge dans les communautés d'accueil des villes d'Al-Hasakeh et d'Ar-Raqqa.
Selon Isam, "en tant que premiers intervenants, nous avons agi rapidement pour atteindre les personnes nouvellement déplacées et pour soutenir les communautés d'accueil. Avec autant de déplacés, cela a parfois été un réel défi."
Le PAM travaille avec ses partenaires sur le terrain pour identifier et aider les personnes dans les refuges comme Khadijah, Mustafa et Salji. Le PAM aide également à enregistrer les familles qui accueillent des personnes déplacées afin de leur fournir de la nourriture supplémentaire si nécessaire. Les autorités locales d'Al-Hasakeh sont en train de vider les écoles pour accueillir les nouveaux arrivants, qui ont besoin de nourriture, de vêtements et d'autres produits essentiels.
Depuis le 9 octobre, le PAM a fournit une aide alimentaire d'urgence à 218 000 personnes, dont 88 200 à Al-Hasakeh et 129 700 dans le gouvernorat d'Ar-Raqqa. Ce mois-ci, nous cherchons à atteindre 580 000 personnes dans la région.