Pourquoi la désinformation menace-t-elle les opérations humanitaires en RDC
La République démocratique du Congo (RDC) connaît l'une des plus importantes crises de déplacement interne au monde, avec un nombre impressionnant de 6,5 millions de personnes déplacées. La majorité d'entre elles sont réparties dans quatre provinces orientales, où les groupes armés non étatiques prolifèrent et où le conflit fait rage. Mais une autre menace pèse sur l'accès humanitaire dans la région : la désinformation. WFP.org s'est entretenu avec Wilfred Nkwambi, chef du bureau de zone du Programme alimentaire mondial (PAM) dans la province du Nord-Kivu, pour en savoir plus..
Comment la désinformation menace-t-elle les opérations humanitaires ?
Afin d'opérer dans des zones étroitement contrôlées et d'atteindre en toute sécurité les populations de la région, le PAM interagit avec toutes les parties prenantes influentes, y compris les groupes armés non étatiques, pour obtenir des conditions d'accès et des garanties favorables. Ce travail nécessite un engagement constant avec les dirigeants et les combattants sur le terrain, y compris aux points de contrôle.
Outre la gestion de l'accès et de l'insécurité, la lutte contre la désinformation - lorsque des informations inexactes ou trompeuses et des rumeurs sont relayées intentionnellement - est devenue un défi majeur, les communautés ou les personnes influentes propageant des rumeurs sur les médias sociaux au sujet des agences des Nations unies et des organisations humanitaires.
Cela peut constituer un obstacle majeur pour de multiples raisons. Tout d'abord, la mésinformation ou la désinformation peut menacer la libre distribution des denrées alimentaires. Si nous ne communiquons pas efficacement avec les populations locales où nous opérons, notre personnel peut être attaqué ou menacé, et nos opérations affectées.
Les médias sociaux et les téléphones portables ont modifié le paysage à d'autres égards. Notre travail fait l'objet d'une surveillance accrue de la part des personnes que nous servons, des groupes d'intérêt et des acteurs armés non étatiques. Aujourd'hui, le simple fait de déclarer que nous travaillons pour les Nations unies ne semble plus avoir le même poids qu'auparavant.
Les gens veulent voir l'impact réel de notre travail. Mais cet impact est sapé par la désinformation et la mésinformation rampantes, non seulement sur les médias sociaux, mais aussi au niveau de la communauté. La diffusion de fausses informations sur l'internet et au niveau local peut aggraver les conflits.
Quelle est la solution ? ?
Une communication efficace est cruciale. Il est essentiel de prévoir des moyens de sensibiliser les communautés et de diffuser des messages importants. Il en va de même pour l'amélioration de notre sensibilité aux conflits et l'intégration du caractère central de la protection dans nos activités.
L'année dernière, par exemple, le PAM a reçu un important don de blé importé que les familles dans les camps de déplacés n'avaient pas l'habitude de consommer. Ici, l'alimentation de base est la farine de maïs. Cela a rendu l'acceptation du blé difficile et nous a exposés à des critiques. Nous avons organisé des séances de démonstrations culinaires avec la communauté pour trouver un terrain d'entente, en cuisinant le blé de manière à ce que les gens le trouvent savoureux. Notre approche consiste à toujours écouter les communautés et à travailler avec elles, afin de pouvoir nous adapter à leurs besoins.
Sixty Seconds With... AfroCongo music star Innoss’B: School meals, ending hunger and DRC
Peut-on éviter ce genre de problèmes ?
Oui, nous pouvons anticiper. Tout d'abord, nous surveillons les médias sociaux pour détecter toute mésinformation ou fausse information circulant sur les activités du PAM en RDC. La sensibilisation et la communication sont également essentielles. Par exemple, malgré une récente série d'attaques contre des convois non gouvernementaux dans certains points chauds de l'est de la RDC, nos campagnes de sensibilisation avec des groupes de jeunes et les autorités locales nous ont aidés à récupérer nos camions et à transporter des vivres en toute sécurité.
En outre, nous travaillons en partenariat avec les médias locaux, notamment les radios communautaires, afin de diffuser des informations précises sur nos activités auprès d'un public plus large, en particulier dans les zones rurales. Nos équipes de communication organisent également des sessions avec des personnalités locales influentes et divers groupes de jeunes dans le même but.
Quels sont les autres éléments essentiels à l'instauration d'un climat de confiance au sein de la communauté ?
Nous organisons de nombreuses formations avec les communautés locales, les dirigeants de la société civile et les médias pour nous assurer qu'ils comprennent les opérations du PAM. Au sein du PAM, nous organisons régulièrement des formations à la protection et à la communication pour notre personnel de première ligne sur le terrain, en créant des scenarios de jeux de rôle et en discutant sur les différents résultats.