Le PAM, mon travail et moi...Emilie Dufour
Emilie Dufour, originaire d'une petite ville du nord du Canada, est responsable de l'unité de la chaîne d'approvisionnement du Programme alimentaire mondial (PAM) en Haïti. Supervisant plus de 50 personnes, son rôle consiste à s'assurer que l'aide humanitaire parvient aux personnes dans le besoin malgré les obstacles et les multiples contraintes auxquels les organisations humanitaires sont confrontées dans le pays ces derniers temps.
Elle nous parle aujourd'hui de ses choix de carrière et des défis qu’elle rencontre au quotidien.
Quel métier vouliez-vous exercer quand vous étiez plus jeune ?
A 18 ans je voulais être journaliste, mais j’ai finalement obtenu un diplôme en géographie et en transport de l'Université de Montréal, puis une maîtrise en gestion de la chaîne d'approvisionnement globale à HEC Montréal. Étudier en journalisme m’a donné de bonnes bases en recherche et rédaction, mais c’est en découvrant la logistique humanitaire et l’unicité de ces chaînes d’approvisionnement que j’ai eu un déclic. Mon mémoire de maîtrise, qui portait sur le prépositionnement de matériel d’urgence pour le Dépôt de réponse humanitaire des Nations Unies (UNHRD), a reçu plusieurs prix et a été présenté à différents événements majeurs au Canada, aux États-Unis et en Europe.
Qui vous a le plus inspiré dans votre vie ?
Professionnellement, c'est ma rencontre avec une professeure qui a changé mon orientation académique. Elle enseigne à HEC à Montréal en tant que spécialiste en optimisation des chaînes d’approvisionnement humanitaires. C’est grâce à elle que la carrière d’humanitaire est devenue pour moi une vocation.
Quelle est la situation la plus stressante que vous ayez rencontrée ?
Les situations les plus stressantes que j'ai rencontrées ont eu lieu lors d'urgences. Les missions d’urgence touchent tous ceux qui y participent. La réponse Ebola en République démocratique du Congo (RDC) au Nord-Kivu en 2018 a été particulièrement intense et formatrice pour moi. J’étais entourée d’une équipe incroyable, compétente et humaine. C’est lors de ce déploiement que j’ai réellement compris la portée de ce métier. L’assistance humanitaire dans cette zone de conflits, pour des populations touchées par le virus Ebola qui vivaient à un pâté de maison de là où nous travaillions, m’a profondément marqué. Tu ne dors pas beaucoup, travailles sous pression, composes avec la volatilité de la situation… mais c’est ça, être humanitaire.
Où au monde aimeriez-vous le plus vivre ? Pourquoi ?
Une chose est certaine, l’hiver canadien me manque. Étant originaire du nord du pays, j’ai toujours aimé l’hiver. Dans ma petite valise, je n’oublie jamais de glisser du thé du labrador, du sirop d’érable, mais aussi un sachet de sauce à poutine, une spécialité culinaire québécoise. Le Canada, c’est aussi où se trouvent mes enfants. Quand je reviens ici après avoir passé du temps avec eux, j’aime bien ramener avec moi leurs créations, des textes qu’ils écrivent et des bricolages qu’on a faits ensemble.
Comment est-ce de travailler en Haïti en ce moment ? Quels souvenirs en garderez-vous ?
Ici, les défis qui peuplent notre quotidien sont nombreux et complexes. J’ai la chance d’avoir une super équipe qui se préoccupe en permanence de chercher des solutions. Cette année, nous avons eu une année exceptionnelle en termes de volume d’activités. Et au moment où on avait l’impression de trouver un rythme de travail plus « normal », il y a eu le séisme dans le Grand Sud. Depuis, c’est une course effrénée pour acheminer l’aide dans les départements affectés. Il faut dire que l’instabilité politique et la crise du pétrole qui ont suivi n’ont pas facilité les choses. Pour surmonter ces difficultés, je peux compter sur une équipe formidable, créative, compétente et pleine de ressources.
Quelle est votre motivation professionnelle au quotidien ? D'où vient-elle ?
Il faut vraiment que l’on soit rapides, efficaces et créatifs pour répondre aux besoins des bénéficiaires. Mon rôle est de trouver des solutions pour que les opérations du PAM continuent et d’apporter un soutien à la communauté humanitaire face aux différents défis rencontrés dans le contexte haïtien. Depuis le tremblement de terre d'août 2021, je me concentre particulièrement sur l'acheminement de la nourriture et des articles de secours vers le Sud, tout en réduisant au minimum l'impact sur nos activités régulières, comme les repas scolaires que nous fournissons à 325 000 enfants haïtiens à travers le pays. Notre opération est affectée par de nombreuses contraintes logistiques, dont une crise du carburant qui a perduré pendant des semaines. Nous devons également rester agiles et réactifs dans un contexte qui évolue constamment afin de mieux soutenir les plus vulnérables.