Fuir Idlib : « l’un des périples les plus dangereux qui soit »
Par Jessica Lawson, traduit de l'anglais
Plus de 689 000 personnes se déplacent actuellement dans le nord-ouest de la Syrie, alors que les forces combattantes poussent les familles à se diriger plus au nord. Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies vient en aide aux personnes déplacées par le conflit. Vous pouvez agir, vous aussi, en faisant un don.
« Les personnes que j'ai rencontrées étaient tellement en détresse que lorsque je leur ai demandé si elles allaient bien, elles ont eu du mal à répondre », explique Nuha, responsable de terrain pour l'une des organisations partenaires du PAM dans le nord-ouest de la Syrie.
Elle travaille sans relâche pour aider les centaines de milliers de personnes qui ont fui Idlib depuis l'intensification des violences en décembre.
« La situation dans le gouvernorat d'Idlib dépasse tout ce qu'on peut imaginer », déclare Nuha. « Au cours des deux dernières semaines, nous avons vu des milliers de familles fuir leurs maisons et leurs villes pour se diriger vers le nord, en essayant de rejoindre les camps situés près de la frontière turque. C'est l'un des voyages les plus dangereux qu'une personne puisse faire pour rester en vie ».
Les familles du nord-ouest de la Syrie ont chargé des véhicules de tout ce qu'elles pouvaient emporter : un évier de cuisine, une pile de matelas et une vie entière de biens personnels. Ces personnes, composées à 80% de femmes et d'enfants, ont quitté leur maison au milieu de l'hiver, alors que les températures nocturnes peinent à dépasser 0°C. Certains se retrouvent alors sans abri.
« Voir les enfants dormir sur la boue humide est déchirant. Nous avons travaillé de longues heures à essayer de leur trouver des matelas et des couvertures », raconte Nuha.
« Beaucoup de familles qui viennent d'arriver près de Jabal Al Zawieh (la montagne Zawieh) ont construit leurs tentes en utilisant des chiffons et des bâches en plastique qui ne peuvent pas les protéger du froid glacial, » ajoute-t-elle. « Un père d'une famille m'a dit qu'il n'avait pas d'argent pour payer les frais de transport par camion et qu'il devait donner ses meubles au chauffeur ».
La fatigue, la peur, le froid, le manque d'abris et l'incertitude obligent les familles à faire des choix difficiles : rester dans les camps et dormir dans le froid glacial ou retourner chez elles et faire face à la violence ?
Pour les familles et le personnel des ONG sur le terrain, la situation est dangereuse et imprévisible. Les missiles continuent de tomber et les lignes de front changent constamment. Les partenaires du PAM déplacent régulièrement leurs points de distribution de nourriture loin du conflit afin de garantir la sécurité des familles et du personnel. Certains travailleurs humanitaires sont eux-mêmes déplacés.
« Il y a des embouteillages sans précédent à cause du grand nombre de personnes et des véhicules en fuite, mais aussi à cause des nombreux bombardements qui bloquent la circulation pendant des heures », explique Nuha.
Pour beaucoup, ce n'est pas leur premier déplacement. Idlib était autrefois une zone sûre où des milliers de familles avaient établi domicile après avoir fui la violence à travers la Syrie pendant neuf ans de conflit. Pour ces familles déjà extrêmement vulnérables, trouver un endroit sûr devient de plus en plus difficile.
En janvier, en étroite collaboration avec ses partenaires, le PAM a augmenté sa capacité à distribuer des repas prêts à consommer à plus de 221 000 familles déplacées dans le nord-ouest du pays. Le PAM fournit également une aide alimentaire mensuelle à 1,1 million de personnes dans le nord-ouest.
Selon Nuha, le nombre de personnes nouvellement déplacées a maintenant dépassé la capacité de réponse du PAM. « Il y a quelques jours, j'ai rencontré un pédiatre à l'hôpital de Danah. Il m'a dit que le nombre de cas d'asthme arrivant à l'hôpital depuis la reprise du conflit était sans précédent. Aussi, certains doigts et orteils des enfants étaient devenus bleus à cause du temps glacial. Ce pédiatre a exprimé son inquiétude concernant le manque de carburant pour les générateurs de l'hôpital et a déclaré qu'ils en ont besoin de toute urgence pour continuer à traiter les patients ».
« Les gens ont perdu l'espoir de trouver un endroit sûr où se loger. Tout ce qu'ils veulent, c'est la fin de cette guerre pour pouvoir rentrer chez eux »