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Fraternité entre voisins : une stabilité agricole dans un pays déchiré par la guerre

En République démocratique du Congo (RDC), grâce au projet de résilience mis en place conjointement par le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les tribus opposées Twa et Luba vivent en paix à Kabalo.
, WFP (PAM)

par Jacques David, traduit de l'anglais

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« Votre voisin est votre frère » ou « Irani ni ndugu » en swahili : une session de sensibilisation a contribué à la réconciliation entre groupes ethniques. Photo : WFP/Jacques David

Depuis 2013, les combats entre les Luba (Bantous) et les Twa, une communauté pygmée qui a longtemps été privée d'accès à la terre et aux services élémentaires, ont provoqué des tensions et de violents conflits. Elle a également perturbé la production d'aliments de base dans la province historiquement très productive du Tanganyika, en République démocratique du Congo (RDC).

Francis est président de la communauté Twa dans le village de Monde, près de la petite ville de Kabalo. Gilbert est son équivalent dans la communauté Luba. Ils représentent une jeune génération de leaders prêts à laisser le passé derrière eux pour le bien-être de leur communauté et la stabilité de la province. Ayant participé au programme de résilience PAM/FAO depuis juin 2017, ils considèrent tous deux l'agriculture comme une formidable opportunité de changer des vies.

Aujourd'hui, avec leurs communautés, ils participent à une session éducative sur la coexistence pacifique appelée « Votre voisin est votre frère » ou « Irani ni ndugu » en swahili. Francis et Gilbert ont tous deux contribué à la réconciliation entre leurs groupes ethniques, et ils sont aujourd'hui très respectés pour cela.

« Le conflit a commencé à cause de rumeurs et rien de plus. Les gens ne peuvent pas se déplacer d'un village à l'autre sans courir le risque d'être attaqués ou tués. Puis, lors de séances de dialogue et de sensibilisation, le PAM et la FAO nous ont appris l'importance de l'agriculture et de la coopération pacifique », explique Francis.

L'atelier d'aujourd'hui, présenté sous forme de pièce de théâtre par l'équipe Twa — Luba, est axé sur le rôle du Comité du village pour la paix, dont l'objectif est de prévenir les conflits. Le Comité est organisé par le partenaire Lokole, branche locale de l'organisation non gouvernementale Search For Common Ground (SFCG). Les équipes d'acteurs encouragent les communautés à s'écouter, et donnent ainsi naissance au dialogue entre ces dernières.

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Gilbert, président de la communauté Luba. Photo : WFP/Jacques David

« Francis et moi avons d'abord suivi des cours qui nous ont convaincus que nous pouvions recommencer à travailler dans nos champs, côte à côte. Ce furent de brèves leçons où nous avons appris à instaurer des conditions propices à la paix et à la croissance de l'alimentation », raconte Gilbert. « Malgré les différences entre nos tribus, nous sommes maintenant tous motivés à travailler ensemble. Ce qu'ils ont vu aux ateliers théâtraux, ils l'appliquent maintenant dans leur vie de tous les jours. »

À la fin du spectacle, Gilbert et Francis affirment tous deux que ce programme de résilience devrait être étendu à d'autres endroits afin de surmonter les conflits en cours : « Ici, nous avons atteint la paix. C'est possible, et l'agriculture est un excellent outil pour cela », témoignent-ils.

Roch Bashizi, chef du bureau de Search For Common Ground dans la province du Tanganyika, affirme que le fait de se concentrer sur ce que les communautés ont en commun est un facteur essentiel au renforcement de la cohésion sociale. « Nous avons constaté que la pauvreté les touche tous et que l'agriculture, en tant qu'intérêt commun, peut être une solution. Ainsi, les ressources naturelles telles que les champs, les étangs ou les forêts deviennent un « lien » entre les communautés et non un facteur de division », explique Roch.

Les séances de sensibilisation organisées par Lokole (SFCG) font partie des nombreux outils utilisés pour rapprocher les communautés. Par ailleurs, deux radios locales diffusent des conseils sur les bonnes pratiques agricoles et l'importance de la paix entre communautés. Par ailleurs, 12 autres Comités de Village pour la paix et 147 clubs de coopération aident à rassembler les différents groupes ethniques afin de discuter des conflits, et d'identifier des solutions gagnant-gagnant pour atteindre des objectifs communs au sein des communautés mixtes, que ce soit sur le terrain, ou dans la construction des infrastructures comme les routes et les bâtiments.

Alors que ces activités sont essentielles au changement des mentalités et à la cohésion sociale, l'agriculture est au cœur du programme de résilience. Avec le soutien de la Suède, le PAM et la FAO viennent actuellement en aide à 18 000 ménages vulnérables de Kabalo et de Nyunzu, en leur permettant d'accroître leurs rendements agricoles, de soutenir la production et de renforcer l'engagement commercial. L'objectif est d'atteindre l'autosuffisance par l'amélioration des moyens de subsistance et l'augmentation des revenus. Le soutien agricole apporté aux communautés est une expérience qui change la vie, et un pas décisif vers la paix.

Les communautés Luba et Twa ont toutes deux connus de belles récoltes en 2018. La récolte saine de manioc et d'arachide s'est bien vendue sur les marchés locaux, et les profits ont été répartis entre les membres de la communauté.

Au cours des deux dernières décennies, les personnes les plus vulnérables de la RDC ont bénéficié de programmes d'urgence. « Ce programme novateur du PAM et de la FAO offre une occasion unique de soutenir la cohésion sociale et la paix à long terme. Lorsqu'on soutient l'agriculture, on développe l'accès des populations à l'alimentation et aux marchés, elles deviennent autonomes, et cela réduit les possibilités de conflit », déclare Olivier Nkakakudulu, chef du Groupe de la résilience du PAM en RDC.

L'agriculture est l'un des meilleurs atouts de la RDC. Le pays pourrait en effet produire toute la nourriture dont elle a besoin et devenir un exportateur de nourriture pour nourrir des millions de personnes en Afrique. Cependant, seulement 10% des 80 millions d'hectares de terres agricoles de la RDC sont utilisés.

En savoir plus sur le travail du PAM en RDC.