Du fufu et des haricots frits : récits de difficultés et de force d’esprit en République Démocratique du Congo
Cela fait huit ans que des combattants armés ont chassé Neema Georgine et sa famille de leur champs dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Il y a si longtemps que cinq de ses sept enfants ne connaissent pas d'autre village que la mêlée de huttes de terre et de bois de ce camp, perchées sur les collines luxuriantes de la province du Nord-Kivu.
"Nous avons décidé de rester ici jusqu'à ce que nous pensions que la situation était suffisamment paisible pour retourner à Nyanzale”, a déclaré Neema au sujet de son village, attaqué par un groupe armé qui a incendié des maisons, volé des récoltes et massacré certains de ses voisins".
Ce retour à la maison n'a pas encore eu lieu. Neema et sa famille - comme des centaines de milliers d'autres personnes dans cette partie turbulente de la RDC - demeurent plutôt déracinés de leur village, survivant grâce à de petites activités génératrices de revenus, à la gentillesse des familles d'accueil et à l'assistance du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies et d'autres organisations humanitaires.
Alors que des nuages gris s'amoncelaient au-dessus de sa tête, Neema s'est jointe à d'autres habitants du camp pour recevoir des aliments de base - farine de maïs, haricots, huile végétale et de sel - fournis par le PAM pour 15 jours grâce aux contributions de l'Agence des États-Unis pour le développement international et d'autres donateurs. Ces aliments permettront à leurs familles de survivre.
"La nourriture que nous avons reçue aujourd'hui est pour toute la famille", a déclaré Neema, ajoutant qu'elle cuisinerait des haricots frits et du fufu, une pâte à base de farine de maïs, plus tard dans la journée. "Ce soir, le dîner de mes enfants est garanti. Ils dormiront avec le sourire."
Sur plus de cinq millions de personnes déplacées internes en RDC - le nombre le plus élevé d'Afrique - la grande majorité vit ici dans le nord-est, une région d'une beauté époustouflante, riche en ressources, qui a été frappée par une série de chocs, dont les plus récents sont l’épidémie d’Ebola et la pandémie de COVID-19.
Mais les troubles, qui durent depuis des années, restent de loin la force la plus destructrice et le principal obstacle au développement du Nord-Est. Ils font fuir les populations de leurs maisons et de leurs champs et aggravent la faim et la malnutrition.
"Normalement, cette région serait capable de se nourrir toute seule", a déclaré Erwan Rumen, coordinateur du PAM pour la zone-est, à propos d'une région où les agriculteurs pra-tiquent traditionnellement toute une série de cultures, dont les patates douces, les haricots, le manioc et le maïs. "Les gens ne devraient pas avoir besoin de l'assistance du PAM".
Pendant un certain temps, Neema et sa famille sont restés à Nyanzale, malgré les informations de plus en plus alarmantes faisant état de personnes tuées et de maisons détruites. Finalement, ils ont fui, laissant derrière eux presque tous leurs biens. Ils se sont d'abord installés dans un village voisin. Finalement lorsque la situation est devenue dangereuse, ils se sont dirigés vers ce camp de déplacés abritant quelque 3 000 personnes, à environ 40 km de là.
"Nous avons marché pendant trois jours sous un soleil de plomb et dormi n’importe où nous pouvions nous retrouver à la nuit tombée, avant d'atteindre ce camp”, a déclaré Neema. "Je prie pour ne jamais répéter une telle expérience, car c'était si horrible".
Elle n'est pas la seule résidente du camp à avoir de sombres souvenirs. Il y a six ans, Du-senge Akameneza Twisenge et sa famille ont également fui la violence qui sévissait à Mashango, son village du Nord-Kivu. “Après avoir rejoint le camp, j'ai entendu d'autres personnes dire que tout ce que nous avions laissé avait été pillé ou détruit”, a-t-elle déclaré.
A ce jour, les familles déplacées vivent dans de petits abris, dont beaucoup n'ont ni lit ni matelas. La communauté environnante ne les laisse pas cultiver les terres voisines à moins de payer.
En dépit de cela, de nombreuses personnes, comme Neema et son mari, gagnent leur vie en tant qu'ouvriers agricoles occasionnels, marchant parfois pendant des heures pour ga-gner moins d'un dollar par jour - de l'argent consacré exclusivement à la nourriture. "Les enfants souffrent de malnutrition”, déclare Neema, “car on mange ce qu'on peut trou-ver".
L'assistance alimentaire du PAM permettra à la famille de dépenser une partie de ses revenus pour acheter d'autres biens essentiels, comme des vêtements, et de diversifier son alimentation.
Neema rêve toujours de rentrer chez elle. Mais ce n'est pas pour tout de suite. Les membres de sa famille et ses amis qui sont retournés chez eux signalent que la paix reste fragile à Nyanzale, et qu'ils pourraient à nouveau être contraints de fuir.
Dans les régions de Masisi et de Rutshuru au Nord-Kivu, où se trouve le camp de Kizimba, l'assistance alimentaire du PAM a atteint en septembre près de 70 000 per-sonnes déplacées et familles d'accueil. Sur les quelque 8,7 millions de personnes que le PAM prévoit d'atteindre cette année en RDC, plus des deux tiers vivent dans le Nord-Kivu et ailleurs dans le nord-est du pays.