Des repas scolaires pour nourrir l’avenir de Tombouctou
Peut-on réaliser ses rêves si les conditions économiques et sociales ne sont pas réunies ? Telle est la question qui me taraude l'esprit en embarquant à bord du vol UNHAS (Service Humanitaire Aérien des Nations Unies), l'un des rares moyens fiable et sécurisé pour rejoindre ma destination du jour : la cité des 333 saints, Tombouctou la mystérieuse !
Quand on survole Tombouctou, sa beauté est saisissante, elle fait honneur à son surnom « perle du désert ». La ville inscrite en 1988 au patrimoine mondial de l'Unesco pour ses richesses culturelles (mosquée, mausolées et manuscrits) et historiques ne cesse d'inspirer des poètes dans le monde et l'imaginaire de ‘chercheur d'or' tant son histoire d'ancienne ville commerciale continu d'émerveiller beaucoup.
Si je suis à Tombouctou aujourd'hui ce n'est pas pour chercher de l'or ni du sel. J'y suis avec des collègues du programme alimentaire mondial pour visiter une école. Et je me dis que les illustres résidants des siècles passés seraient fiers parce que pendant son âge d'or cette ville était un vrai centre universitaire en Afrique.
Le vrai trésor de Tombouctou est constitué par un ensemble de manuscrits datant de la période impériale ouest-africaine qui démontrent l'importance capitale de l'éducation et de la connaissance pour cette cité et ses habitants. .
En traversant la ville, je suis séduite par l'hospitalité des habitants, ses petites ruelles et les portes atypiques qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Après un petit trajet, nous y sommes ! l'école de Kabara nous ouvre ses portes.
La cour de l'école est très sablonneuse. Deux grands bâtiments que j'aperçois au loin regroupent chacun 3 classes. Il règne un grand silence dans l'école, seules retentissent les voix des enseignants dispensant leurs cours.
Les élèves sont toujours en classe. La Directrice de l'école, Mme Nia Coulibaly nous accueille alors pour une petite discussion accompagnée de Mr Hamidou Cissé du centre d'animation pédagogique (structure étatique décentralisée) qui effectue des visites chaque 2 jours afin de s'assurer du bon fonctionnement de l'école.
« L'école existe depuis 2006 mais nous avions un faible taux d'élèves, surtout les filles. Beaucoup de parents préféraient garder les enfants à la maison pour les travaux ménagers ou les pousser à devenir des marchands ambulants… » nous dit -elle.
L'école de Kabara dans la commune de Tombouctou compte aujourd'hui 342 élèves et est dirigée par une femme.
Au Mali, le secteur de l'éducation continue de faire face à de nombreux défis liés d'une part à l'accès des enfants à l'éducation, à leurs maintient à l'école et d'autre part à la qualité de l'enseignement. Il est estimé que 1,2 million d'enfants âgés de 7 à 12 ans sont toujours en dehors du système scolaire soit près de 50% de la population en âge d'aller à l'école primaire. Les filles, les enfants des milieux ruraux ou issus des ménages les plus pauvres sont les plus à risque de subir cette déscolarisation/non scolarisation faute de moyens.
Dans ce contexte, afin de soutenir les efforts du Gouvernement du Mali pour atteindre l'ODD 2 « Faim zéro » et aider à la scolarisation des enfants vivants dans des zones vulnérables à l'insécurité alimentaire ou avec un taux de scolarisation assez bas, le Programme Alimentaire Mondiale (PAM) en collaboration avec les différents partenaires et acteurs nationaux appuient la politique nationale de l'alimentation scolaire qui pourrait également contribuer à atteindre l'ODD 4 « accès à une éducation de qualité ».
« Depuis que nous avons commencé les repas scolaires en 2012, des familles qui pour des raisons économiques ou du aux longues distances entre la maison et l'école, étaient réticentes à envoyer les enfants à l'école, le font maintenant ».
Depuis la crise de 2012, le Programme Alimentaire Mondial met en œuvre les cantines scolaires dans plusieurs écoles de la région de Tombouctou. L'école de Kabara avait bénéficié de plusieurs types d'assistance, des vivres, puis du cash accompagné de riz fortifié. Aujourd'hui l'école jouit d'une assistance en cash à travers les autorités locales afin d'assurer la pérennisation des repas scolaires, tout en stimulant les commerces locaux chez qui les écoles s'approvisionnent.
« Nous aimons le cash car cela nous permet de respecter les habitudes alimentaires des enfants et leurs préférences tout en leurs offrant un large choix de plats chaque semaine. Le cash, c'est le désir et le choix des enfants ! » nous explique avec enthousiasme Mme Coulibaly.
Les repas scolaires s'inscrivent dans le cadre de protection sociale adaptative car ils assurent l'accès à l'éducation, à la santé et à la nutrition. Ils aident les familles à soutenir l'éducation de leurs enfants tout en protégeant leur sécurité alimentaire.
« Aujourd'hui, je suis une mère et une directrice heureuse car sur 342 élèves, 172 sont des filles et elles occupent les 1ers rangs dans de nombreuses classes » rajoute Mme la Directrice.
Les repas scolaires aident également à garder les enfants à l'école pendant les situations d'urgence ou des crises prolongées, en maintenant un sentiment de stabilité.
« Venez avec moi je vais vous montrer ! », nous dit-elle en se dirigeant vers la classe de 6ème année.
« Je vous présente Aicha Oumar, elle a 12 ans, c'est la première de la classe et c'est aussi grâce aux repas scolaires car cela a fortement encouragé ses parents à l'envoyer ici » nous développe Mme Coulibaly.
Aicha, nous accueille avec le sourire « Je suis très contente de pouvoir manger à l'école chaque midi, cela me permet de rester pour réviser mes cours et jouer avec mes copines pendant la pause. je rentre à la maison le soir, après mes cours de l'après-midi,».
« Maman me dit qu'elle est fière de moi comme elle n'a pas étudié. Cela m'encourage beaucoup ! elle est très contente quand je rentre avec de bonne notes ».
Il est 12h 00, c'est l'heure de déjeuner ! Au menu aujourd'hui du « zamai », riz au gras dont raffole les élèves. Ils se dirigent tous vers les cuisinières pour prendre les plats.
Après s'être laver les mains, le plat de zamin est dégusté dans une bonne humeur contagieuse tout en discutant des cours et des jeux qu'ils feront pendant l'heure de pause à venir.
Entre certains préférant manger accroupie et d'autres sur des tables, les discutions vont de bon train. J'en profite pour mieux faire la connaissance de Aicha.
« Avant maman était un peu inquiète car elle ne savait pas comment faire pour cuisiner pour moi à midi vue que j'ai cours matin et soir. Maintenant elle est rassurée, je la taquine souvent en disant que mon plat de l'école est plus délicieux. Je mange bien sans avoir besoin de rentrer à la maison chaque midi. Notre maison est un peu loin ».
« Quand je serais grande, je veux devenir enseignante pour transmettre tous ce que j'ai appris à d'autres enfants, mes parents sont fiers de moi et ça me fait plaisir ».
C'est sur cette note d'espoir et ses yeux pleins de rêves pour l'avenir du Mali que nous quittons l'école de Kabara avec une dernière photo de Mme Coulibaly et ses écoliers.
Les cantines scolaires au Mali sont mises en œuvre grâce à l'appui financier de de l'Allemagne, de l'Italie, de Mastercard, du Luxembourg et l'Union Européenne.