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COVID-19 : les enfants en première ligne

Deux experts en nutrition du Programme alimentaire mondial s'expriment sur la manière de protéger les plus vulnérables pendant la pandémie de coronavirus.
, WFP (PAM)

Par Peyvand Khorsandi, traduit de l'anglais

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Lorsque les combats ont éclaté il y a cinq ans, le Yémen était déjà considéré comme l'un des pays les plus pauvres du monde. Photo : PAM/Reem Nada

Nitesh Patel est conseiller en nutrition, basé au Bureau Régional du Programme alimentaire mondial (PAM) au Caire. Il se dit inquiet, en particulier pour le Yémen et le Soudan. En effet, si le COVID-19 se développe dans l'un de ces pays, les conséquences seront selon lui catastrophiques. En février, le PAM a livré 14 000 tonnes de nourriture à 2,2 millions de personnes sur les 40 millions d'habitants du Soudan.

« Les enfants malnutris de moins de 5 ans, dont l'immunité est compromise par des infections et autres complications médicales, sont en première ligne. Leurs parents, par défaut, courent alors un risque élevé de contracter le coronavirus ».

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Groupe de personnes attendant l'aide d'urgence à Omer, dans l'État du Nil blanc au Soudan, l'année dernière. Dorénavant, les gens devront respecter une distanciation sociale. Photo : PAM/Muhammad Salah

L'incidence des diarrhées et des infections respiratoires aiguës, cumulées à des « symptômes de type grippal, toux, bronchite », est élevée. Selon Nitesh Patel, la prévention est la clé et cela nécessite de communiquer clairement sur l'importance de prendre des précautions pour sauver des vies. Les gens doivent être sensibilisés aux mesures d'hygiène et de distanciation sociale, en particulier dans les zones d'attente.

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Nitesh lors d'une évaluation nutritionnelle au Tadjikistan en 2018. Photo : PAM

Il y a ensuite un autre défi à relever : identifier les enfants souffrant d'infections respiratoires aiguës et éviter qu'ils ne se mélangent à d'autres, pour qu'ils puissent être traités séparément.

Ayant travaillé en Inde avant de rejoindre le PAM il y a 15 ans, et ayant été témoin des réponses à l'épidémie de SRAS et de l'arrivée d'Ebola en 2014, Nitesh tient à ce que cette pandémie soit prise au sérieux et soit reconnue pour ce qu'elle est, c'est-à-dire « une urgence médicale » et que l'accent soit mis sur le fait de sauver des vies.

« Nous devons nous investir au maximum, comme pour toute urgence médicale, afin de protéger les personnes les plus vulnérables que nous rencontrons », dit-il.

Il ajoute que le Yémen est également un terrain fertile pour le COVID-19 car il est « l'un des premiers pays à souffrir du manque d'eau, avec de nombreux cas de diarrhée ». Les messages sur le fait de « se laver les mains dix fois, sans pour autant donner de moyens pour se les laver », sont complètement futiles.

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Dans une cuisine d'école soutenue par le PAM à Aden, des femmes préparent des sachets de déjeuner. Photo : PAM/Mohammed Nasher

Ce pays, où le PAM vient en aide à 12,84 millions de personnes (soit près de la moitié de la population) est également confronté à un problème de « zones climatiques très variées, avec des montagnes et un temps froid, où les enfants sont souvent atteints d'infections respiratoires aiguës ».

« Une fois que des cas de COVID-19 seront enregistrés, il sera très difficile de briser cette chaîne ».

Nitesh précise que le pays est en proie à « un conflit civil complexe » depuis maintenant cinq ans. « Une fois que des cas de COVID-19 seront enregistrés, il sera très difficile de briser cette chaîne ».

« On ne peut pas perdre de temps à éduquer les gens sur la maladie »

« J'étais au Libéria quand l'épidémie d'Ebola a commencé (en 2014). La communauté n'était pas convaincue que cette maladie en était réellement une. Les gens continuaient à nettoyer les corps sans vie, comme le veut la tradition, rituel auquel ils étaient habitués. Ils ne prenaient pas la maladie au sérieux, et nous avons vu des morts massives à cause de ce manque de compréhension de la part de la communauté ».

Mais le PAM est bien placé pour amorcer un changement dans la prise de conscience sur la menace que représente le COVID-19 : « Nous opérons en profondeur sur le terrain, nous connaissons chaque bénéficiaire et chaque Chef de communauté. Utilisons cet avantage, avec des messages brefs et concis afin que les gens comprennent ce qui est en jeu ».

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Rose, à droite, en t-shirt blanc rencontre des leaders communautaires dans le district de Chemba, au Mozambique, dans le cadre d'un projet de nutrition financé par le PAM, en novembre 2019. Photo : PAM

A Johannesburg, Rose Craigue, Conseillère en nutrition au Bureau Régional du PAM, partage cet avis : « Quand on voit apparaître une épidémie comme celle du COVID-19, cela ne peut qu'aggraver une situation déjà mauvaise. C'est une région où les gens ont peur des maladies contagieuses depuis de nombreuses années ».

L'Afrique du Sud compte le plus grand nombre de personnes atteintes du VIH et fait face à un énorme problème lié à la tuberculose. Alors que le PAM ne distribue pas de nourriture là-bas, le pays fournit quant à lui une grande partie de la nourriture qui est distribuée dans d'autres pays tels que la République démocratique du Congo (RDC), « donc quoi qu'il arrive en Afrique du Sud, cela aura d'énormes répercussions sur les autres pays ».

Selon Rose, « le COVID-19 pourrait entraîner une augmentation des prix des denrées alimentaires. Dans les endroits où la moitié de la population n'a pas les moyens de se procurer des aliments nutritifs, la catastrophe menace ».

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Distribution de nourriture du PAM à Butembo, en RDC, l'année dernière. Photo : ONU/Martine Perret

« Si vous rendez la nourriture moins accessible, cela va faire augmenter les taux de malnutrition, et dans un pays comme la RDC avec des chiffres élevés de déperdition et de retard de croissance, c'est un point de basculement ».

Rose ajoute : « Même si nous essayons de contenir le COVID-19, nous devrions garder nos frontières ouvertes pour les marchandises. Sinon, comment allons-nous pouvoir continuer à nourrir les gens ? »

« Si vous donnez de la nourriture aux gens pour trois mois, ils ne reviendront pas avant trois mois, ce qui renforce la distanciation sociale. »

En ce qui concerne l'endiguement de la propagation du coronavirus, elle affirme qu'il est important d'essayer de mettre à disposition des gens une réserve de trois mois de nourriture supplémentaire, mais cela ne peut se faire qu'avec des ressources et des investissements accrus.

« Nous ne voulons pas que les gens se rassemblent en grand nombre. Si vous donnez de la nourriture aux gens pour trois mois, ils ne reviendront pas avant trois mois, ce qui renforce la distanciation sociale ».

Selon Rose, lorsqu'on voit des pays développés comme l'Italie et les États-Unis lutter difficilement pour faire face à la pandémie, quel espoir peut-on avoir pour des pays comme la RDC, où les systèmes de santé sont déjà très faibles ?

En plus d'un conflit prolongé et continu, la RDC est un pays qui a lutté pour contenir le virus Ebola. C'est un système qui est déjà mis à rude épreuve.

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Pour en savoir plus sur la réponse du PAM à la crise du COVID-19.