Terrifiées et déplacées, des familles du nord de l'Éthiopie espèrent la paix
Cela fait quatre mois que Letemariam Lakaw a donné naissance à son petit garçon sur le sol de leur chambre à Hitsats, un ancien camp de réfugiés dans la région du Tigré en Éthiopie, qui abrite désormais des dizaines de milliers de familles déplacées par le conflit.
"Il y avait des jours où nous ne mangions rien de toute la journée et de la nuit. Je ne pouvais pas dormir la nuit ou avoir les idées claires dans la journée car je ne pensais qu'à nourrir mes enfants. Je réfléchis encore à la façon de subvenir à leurs besoins."
Le camp qu'elle appelle temporairement chez elle a été détruit et incendié au début du conflit qui s'est depuis étendu à d'autres régions du nord de l'Éthiopie. Il a maintenant été reconstruit pour abriter des dizaines de milliers de familles déplacées comme celle de Letemariam, qui sont dans l'incertitude, avec peu d'accès à la nourriture ou aux moyens de subsistance, dépendant entièrement de l'aide alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM) pour survivre.
"Maintenant, je n'ai plus à m'inquiéter que les gens ici me prêtent de la nourriture ou non », dit-elle. « J'utiliserai efficacement la nourriture que j'ai obtenue."
Avec un sourire, elle désigne les sacs de blé fournis par le PAM. Mais avec six bouches à nourrir, il est vital qu'une aide urgente et sans entrave afflue vers le nord de l'Éthiopie ou sa famille - et des millions d'autres - n'auront rien à manger.
En juin, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) a estimé que 91 pour cent de la population du Tigré - environ 5,2 millions de personnes - avait besoin d'une aide alimentaire d'urgence, tandis que 1,5 million de personnes dans les régions voisines d'Afar et d'Amhara étaient fortement menacées par l'insécurité alimentaire. Le cadre prévoyait également que 400 000 personnes seraient confrontées à des niveaux de faim catastrophiques (IPC 5) d'ici septembre, à moins qu'une aide urgente et sans entrave ne soit fournie.
Ces derniers mois, au fur et à mesure que le conflit s'est étendu, les approvisionnements alimentaires sont arrivés au compte-goutte dans la région, atteignant seulement 11 pour cent de la population ciblée. Des preuves anecdotiques montrent que les familles du nord de l'Éthiopie sont confrontées à une insécurité alimentaire croissante alors qu'elles fuient la trajectoire des tirs.
À quelque 700 km à l'est de Hitsats déchiré par la guerre, le district d'Afar Awara abrite d'autres familles touchées par le conflit. Une mer de dômes en plastique bleu parsemés à travers les plaines sèches offre un abri sûr et un répit contre la chaleur inhospitalière qui s'abat sur eux.
Ce campement de fortune a été un foyer temporaire pour environ 5 000 familles. À l'intérieur de l'un des dômes, Sadia Mohamed s'accroche à la main de sa plus petite fille ; ses trois autres filles et son mari se blottissent autour d'elle.
"Nous avons voyagé à pied", explique Sadia. "À un moment donné, mes pieds étaient enflés et j'ai dû demander un abri à une famille pendant quelques semaines jusqu'à ce que mes pieds guérissent." Six semaines plus tard, les pieds de Sadia sont toujours marqués de cloques rouges. "Tout le voyage s'est déroulé sous le soleil brûlant et la soif d'eau potable était si angoissante. Nous étions obligées de boire l'eau de pluie du sol, mais cela nous rendait aussi malades", dit-elle.
La région d'Afar en Éthiopie est connue comme le «berceau de l'humanité» - en 1974, un squelette fossile de 3 millions d'années appelé Lucy y a été découvert.
C'est aussi l'un des endroits les plus chauds de la planète. Son peuple nomade souffre de la faim à cause du changement climatique depuis un certain temps, mais maintenant, la situation s'est encore aggravée avec le récent conflit. En conséquence, environ un demi-million de personnes ont un besoin urgent d'aide alimentaire.
Dans la région voisine d'Amhara, plus de 700 000 personnes se retrouvent dans une situation similaire à celle de Sadia et Letemariam. Wubit Haile fait partie de ces personnes et a du mal à accepter sa nouvelle vie après avoir fui son domicile à Amhara pour chercher refuge chez un parent dans la ville de Debark, située à moins de 100 km des lignes de front du conflit.
"Être autrefois autosuffisante et maintenant dépendre de quelqu'un est assez difficile à accepter", dit-elle en torréfiant une partie du blé qu'elle vient de recevoir du PAM.
Même avant ce conflit acharné, 1,3 million de personnes en Afar et en Amhara dépendaient de l'aide alimentaire du gouvernement éthiopien. Leurs besoins alimentaires urgents sont de jour en jour plus évidents. Le PAM travaille avec les autorités fédérales, et régionales d'Afar et d'Amhara pour fournir une aide alimentaire d'urgence à plus de 800 000 personnes dans les deux régions, mais est prêt à en atteindre davantage si le gouvernement éthiopien le demande et, surtout, si les fonds sont disponibles.
Sans visibilité sur la fin du conflit, la situation risque de s'aggraver car les familles sont prises au milieu. Beaucoup, comme Wubit, partagent un seul rêve.
"Je souhaite que la paix soit restaurée et que je puisse rentrer chez moi et mener une vie normale", dit-elle.
Le PAM a besoin de 184 millions de dollars pour soutenir et étendre son opération afin de venir en aide à 3,5 millions de personnes vulnérables dans le nord de l'Éthiopie. Pendant ce temps, dans tout le pays, le PAM a un besoin urgent de 426 millions de dollars pour sauver et changer la vie de 12 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire au cours des six prochains mois.
Sans ce financement, la vie et les moyens de subsistance de Letemariam, Sadia et Wubit, ainsi que des millions d'autres, sont en jeu.
Comme le dit Sadia : "Pour l'instant, ici, la situation est sombre et nous avons du mal à nous maintenir en vie."
Remerciements aux pays suivants qui rendent possible l'intervention d'urgence du PAM dans le nord de l'Éthiopie : États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, Australie, Émirats arabes unis, Norvège, Japon, Autriche, France, Corée et Luxembourg.
En savoir plus sur l'action du PAM au Nord de l'Éthiopie