Niger: l’école, c’est l’avenir…
Illo Lawali 39 ans, est le Secrétaire Général du Comité de Gestion Scolaire à l'Ecole Primaire de Dargué dans la commune du Chadokori au Niger. Marié à deux femmes, il s'occupe de tout ce qui est documentation, livres et fournitures, mais également du suivi des élèves de l'école.
Véritable mémoire de l'école publique de Dargué, ce père de 8 enfants a vu l'assiduité et la réussite des élèves, notamment des jeunes filles s'accroitre au fil des années depuis 2013. C'est cette année-là en effet que le Programme Alimentaire Mondial met sur pied des projets et programmes dans le but d'accroitre la scolarisation des enfants, et partant de la jeune fille.
Il conte l'histoire de l'école avec assurance : « Je me souviens qu'en 2012, l'école ne comptait que 4 classes et 380 élèves, dont 130 filles. Le taux de réussite était de 30 pour cent et le taux de scolarisation de la jeune fille plutôt faible, 17 pour cent. Le pourcentage des cas d'abandon allait de 7 à 10 pour cent. »
Dès le lancement du programme en 2013, le changement est perceptible : l'école passe à 12 classes, c'est-à-dire huit de plus par rapport à l'année d'avant, avec un effectif de 560 élèves dont 230 filles. Avec le programme d'alimentation scolaire et la sensibilisation, le taux de réussite passe à 70%. Depuis lors, le nombre de filles augmente chaque année.
« En 2018, sur 710 élèves, 380 sont des filles, plus de la moitié. Elles sont d'ailleurs plus concentrées. Devenues plus grandes et dans des classes avancées, plusieurs enseignent les plus jeunes aujourd'hui », explique Illo.
Cette évolution est rendue possible grâce aux activités complémentaires de la cantine scolaire notamment, les troupeaux, le jardin et les moulins scolaires. Ces activités permettent à la longue de prendre en charge la cantine par la populations.
Les repas scolaires fournis par le Programme Alimentaire Mondial aident les ménages à briser le cycle de la pauvreté et de la faim, à mieux faire face aux chocs et aux tensions, tout en aidant les enfants à se concentrer en classe, à construire leur potentiel, afin de devenir des adultes en bonne santé.
« Nous sommes reconnaissants au PAM parce que à travers ces programmes, la gestion communautaire se renforce, et la communauté devient de plus en plus dynamique. »
Les filles à l'école
Amina est chef de ménage depuis que son mari a migré au Nigeria. Elle est mère de 4 enfants. Deux garçons âgés de 30 et 25 ans ; deux filles de 17 et 11 ans respectivement. Seule la dernière fille va à l'école. Amina est impliquée dans les travaux créatifs d'actifs.
Elle a plusieurs fois pris part aux programmes de sensibilisation mis sur pied par le PAM sur l'importance de l'école ; et elle y adhère. Sa fille de 11 ans est scolarisée, les autres enfants étant déjà très grands et mariés pour commencer l'école. Elle exprime son dépit face à cela, mais l'espoir selon elle viendra de Awa :
« Je regrette vraiment de n'avoir pas ouvert les yeux plus tôt, pour envoyer mes 3 premiers enfants à l'école. Je suis peinée pour eux et pour moi. Mais je sais que grâce au PAM, Awa va relever ma famille. C'est la seule qui sait lire à la maison. Elle lit mes lettres et m'explique tout. »
« Il y a une très grande différence entre ses ainés et elle. Awa a une capacité d'analyse et de vision. Je souhaite que ma fille devienne infirmière ou enseignante, pour aider la famille et la communauté. Je veux qu'elle serve d'exemple aux autres parents, pour qu'ils ne fassent pas la même erreur que moi en n'envoyant pas les enfants à l'école. »
Comme les autres élèves filles du CM1 et du CM2, Awa perçoit une bourse scolaire du PAM de 6,000 F cfa par trimestre, soit 18000 FCFA par an, depuis 2016. Elle a eu deux petits ruminants, dans le cadre du programme « troupeau scolaire », activité complémentaire à la cantine qui vise à booster la scolarisation de la jeune fille.
Déterminée à voir sa fille réussir dans ses études et dans la vie, Amina l'inscrit depuis l'année dernière, aux cours de vacances animés par des étudiants du niveau supérieur, natifs de Dargué et anciens élèves de l'école à cantine. « Ça me coute 250 FCFA pour deux mois, pas cher payé pour les avantages, dont la répétition et aussi l'éloignement des distractions qui peuvent facilement détourner les enfants. »
L'école, c'est l'avenir…
Sahiya Halilou, 17 ans, élève en 4eme à Dargué, bénéficie de ration sèche et de bourse. Cadette de garçons et orpheline de père, sa charge repose entièrement sur sa mère cultivatrice et bénéficiaire des activités de création d'actifs productifs. Elle veut être infirmière pour contribuer à sauver des vies tout en aidant sa famille. Sahiya a décidé de sensibiliser les parents et les autres jeunes filles sur l'importance de l'école :
« J'ai décidé pendant mes heures de libre, de faire le tour des maisons pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l'école, surtout les filles. Ça me fait de plus en plus mal de voir une jeune fille de mon âge, même plus jeune être envoyée en mariage. Ce n'est pas juste. Grace au PAM, j'ai compris que l'école c'est l'avenir… Je rêve d'être une grande dame dans ce village et dans ce pays » Sahiya dit avec assurance.
Moutari Zabeirou Nouhou, 25 ans est quant à lui, étudiant à l'Université de Maradi. Actuellement en 3ème année de Maths–informatique, il est originaire de Dargue où il a passé tout son cycle primaire et secondaire. Sans le PAM, il ne serait probablement pas à ce niveau d'études et pour cause, les activités de cultivateur exercées par son père et sa mère ne suffisaient pas à nourrir les sept membres de la fratrie, quatre garçons et trois filles et de financer les études supérieures.
Depuis 2013, ses parents ont été inscrits au programme Renforcement de la résilience du PAM. Ce sont les revenus de ce programme qui permettent de financer les études de Moutari, qui, bien que reçu au programme de bourses au début du secondaire, avait dû en être exclu après son échec en classe de 3eme. Ce qui avait obligé ses parents à prendre en charge sa scolarité jusqu'à l'obtention du Baccalauréat.
Aujourd'hui étudiant, Moutari et 11 autres étudiants venus de Maradi se font le devoir d'encadrer les plus jeunes. « Depuis 2015, nous organisons des cours de vacances pour relever le niveau de nos petits frères et sœurs, aider le village et le pays. Nous avons tous les 12 bénéficié de l'appui du PAM pendant nos études ici à Dargué,» dit-il.
Moutari poursuit: «Nos parents continuent d'être soutenus par le PAM. Nous devons faire notre part aussi, pour encourager le PAM et pour montrer que les populations locales peuvent prendre le relais. Le PAM ne restera pas ici éternellement, donc nous devons progressivement être autonome et aider nos frères à l'être. Aujourd'hui, je peux avoir des rêves et des projets. Je vais aller le plus loin possible pour enseigner les mathématiques ou l'informatique à l'Université. »