En Éthiopie, le PAM aide les familles à se réinstaller, à reconstruire et à reconquérir leurs moyens de subsistance après le conflit
Hiwot Negasi – son prénom signifiant "vie" en langue éthiopienne amharique – décrit comment sa vie a littéralement changé du jour au lendemain lorsque la guerre a éclaté et que la maison de sa famille dans le Tigré occidental a été envahie fin 2020.
"Avant de venir ici, ma vie était très belle : j'avais une bonne éducation et je travaillais comme secrétaire dans une école", dit-elle.
Negasi, 27 ans, vit depuis trois ans dans le camp de déplacés internes de Sabacare, à la périphérie de Mekelle, la capitale de la région éthiopienne du Tigré. Dans le camp, où les abris et la nourriture sont rares, c'est la saison des pluies (juin-septembre) qu'elle redoute le plus
"À mon visage et à ma toux, vous pouvez comprendre que nous survivons à peine ici, avec peu de nourriture. Nous sommes confrontés à des maladies, surtout lorsqu’il fait froid et qu’il pleut", dit-elle.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies fournit une aide alimentaire aux familles les plus vulnérables du Tigré, dont environ 400 000 personnes qui, comme Negasi, restent déplacées. Cependant, faute de financement, le PAM a été contraint de réduire les rations mensuelles à 80 pour cent des portions minimales de céréales n"cessaires. "Douze kilos par personne, ce n'est pas suffisant, mais les distributions sont désormais régulières et elles se déroulent à proximité de chez moi", explique Negasi. Les portions sont ramassées et pesées au point de distribution, ce qui permet aux gens d'assurer plus facilement qu'ils reçoivent la bonne quantité.
Le système de distribution du PAM a été réorganisé l'année dernière et comprend un nouveau registre numérique de toutes les familles en situation d'insécurité alimentaire, qui reçoivent une carte de rationnement numériquement. Le PAM développe également l'enregistrement biométrique et a renforcé son système de retour d'information des bénéficiaires – parmi une série de nouvelles mesures et contrôles mis en place l'année dernière pour garantir que la nourriture parvienne aux personnes les plus démunies.
L’humble refuge de Negasi est décoré de banderoles "1er anniversaire" et de photographies de sa fille Tigist à laquelle elle a donné naissance dans le camp l’année dernière. Tout au long de sa grossesse et des six premiers mois d'allaitement de Tigist, Negasi a reçu du PAM de la farine enrichie nutritionnellement pour prévenir la malnutrition.
Des défis permanents
Deux ans après que l'accord de paix a mis fin à deux années de conflit acharné dans le nord de l'Éthiopie, le PAM aide les familles à répondre à leurs besoins alimentaires urgents, que ce soit sur leur lieu de déplacement ou à leur retour chez elles. En septembre, le PAM a commencé à fournir des secours alimentaires immédiats à près de 20 000 rapatriés dans les zones sud et nord-ouest du Tigré. En octobre, le PAM prévoit d'aider davantage de rapatriés à mesure que leur nombre augmente dans les régions du Tigré et d'Amhara.
Cependant, l’accès humanitaire au nord reste incertain alors que le conflit armé entre les forces gouvernementales et les acteurs non étatiques s’intensifie dans la région d’Amhara, avec une augmentation des activités de drones et d’avions de combat. De nombreuses familles qui ont fui la guerre du Tigré il y a deux ans vers l’Amhara voisin rentrent désormais chez elles et laissent derrière elles une guerre totalement différente. Pour les atteindre, le PAM doit acheminer des produits alimentaires le long de routes périlleuses à travers la région d'Amhara, touchée par le conflit, jusqu'au Tigré. Les menaces persistantes en matière de sécurité, notamment les vols à main armée, les enlèvements, les points de contrôle illégaux, les détournements de camions et le pillage de produits alimentaires et nutritionnels dans les camions, entravent gravement les distributions du PAM à Ahmara. Après des mois d'assistance alimentaire constante, atteignant en moyenne 280 000 personnes chaque mois, en raison de l'escalade du conflit en septembre, le PAM n'a pu assister que 159 000 personnes dans la région.
Aider les moyens de subsistance à prospérer à nouveau
Au-delà de répondre aux besoins d'urgence des familles déplacées et de celles confrontées à une grave faim, le PAM aide également les communautés à reconstruire leurs moyens de subsistance à la suite de la fin du conflit dans le nord de l'Éthiopie.
Depuis avril, le PAM et l'ONG locale REST (la Société de Secours du Tigré) ont aidé environ 2 000 agriculteurs du nord et du sud du Tigré à récupérer leur production agricole perdue pendant la guerre.
Lemlem Gebrekidan, dont le nom signifie "fleurir et s'épanouir" en langue éthiopienne amharique, est une petite agricultrice et mère célibataire de trois enfants vivant dans le district de Raya Azebo, dans le sud du Tigré. Avant le déclenchement de la guerre en 2020, elle et ses enfants vivaient de manière autosuffisante, vivant de sa plantation de sorgho à seulement trois kilomètres de chez elle.
"À cause de la guerre, nos enfants ne pouvaient pas aller à l’école, nous ne pouvions pas aller sur nos terres agricoles et toutes nos activités de subsistance ont été interrompues", explique Gebrekidan. "Les bombardements étaient incessants et je me demandais quoi faire de mes enfants."
Avec une famille voisine, ils se sont abrités dans des grottes pendant plusieurs jours, ne rentrant chez eux que lorsqu'ils étaient en sécurité pour récupérer une partie des stocks de nourriture restants à partager. "Il y avait la faim à cause de la guerre, pas d’électricité, nous ne pouvions pas aller au marché parce que nous avions peur", raconte Gebrekidan.
Même si l'aide alimentaire du PAM lui permettait de survivre, elle était dévastée de ne pas pouvoir s'occuper de ses propres cultures et nourrir ses enfants. "J’étais si heureuse quand la paix est revenue, mais c’était difficile de repartir de rien", dit-elle.
Avant de fournir une aide aux moyens de subsistance, le PAM avait mené un exercice de ciblage approfondi basé sur la vulnérabilité et enregistré numériquement les familles les plus en situation d'insécurité alimentaire dans toutes ses zones d'opération au Tigré, y compris Raya Azebo. Le PAM a lancé ses mesures d'assurance dans ce district et a aidé plus de 100 000 personnes pendant des mois. En 2024, le PAM a réorienté ses efforts vers le renforcement de leur résilience et les aide à reconstruire leur vie.
Le PAM a donné des graines à Gebrekidan pour planter un jardin rempli de fruits et légumes nutritifs, notamment de la bette à carde, de la patate douce, de la papaye et du niébé. REST est arrivé avec l'aide d'un tracteur et a dispensé une formation sur le jardinage, la commercialisation et la gestion post-récolte. Les agriculteurs ont formé des coopératives et planté du sorgho sur les terres agricoles à proximité des sites d'irrigation de crue, récemment restaurés ou construits par le PAM et REST.
Cela a permis aux agriculteurs d’irriguer leurs champs de sorgho à temps pour la récolte de cette année en octobre. Pour certains d’entre eux, c’est la première fois qu’ils récoltent quoi que ce soit depuis trois ans.
"Ce projet ne rétablit pas seulement les moyens de subsistance des populations", déclare Ezgimelese Tecleab, responsable des politiques de programme du PAM, qui a dirigé son élaboration. "Cela représente un nouvel espoir pour l’avenir, surtout compte tenu des défis auxquels les communautés de ces régions ont été confrontées au cours des quatre dernières années. Au moins pendant les 25 prochaines années, ils disposeront d’eau sur laquelle ils pourront compter pour augmenter leur production et avoir un avenir en matière de sécurité alimentaire."
De retour sur ses terres, Gebrekidan se sent optimiste. "Au cours de la formation, j'ai appris comment espacer les semis, comment planter et cultiver au mieux et l'importance de ces cultures nutritives", dit-elle. Ses enfants participent également à la cueillette des légumes de son micro-jardin – une activité qui les a aidés, en tant que famille, à se remettre des impacts physiques et psychologiques de la guerre.
"Maintenant, je tire un revenu de ces cultures et mes enfants ont une alimentation variée, ce qui les aide à renforcer leur corps. J'ai désormais l'espoir de changer ma vie pour le meilleur. Je suis soulagée de la douleur psychologique que nous avons subie."
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