Burkina Faso : l’engendrement de la crise humanitaire
par Marwa Awad, traduit de l'anglais
Moins d'une semaine avant mon départ pour le Burkina Faso en novembre avec l'équipe d'urgence du Programme alimentaire mondial (PAM), alors que des mineurs travaillant pour une mine d'or canadienne se rendaient à leur travail, des militants leur ont tendu une embuscade et les ont attaqués, laissant derrière eux 39 morts et 60 blessés.
Cet incident est un exemple évident de la violence qui sévit au Burkina Faso depuis le début de l'année 2019. Celle-ci a provoqué une augmentation de 500 % du nombre de personnes ayant fui leur domicile pour se déplacer vers le sud en quête de sécurité : de 87 000 à 650 000 personnes. Un tiers du Burkina Faso est aujourd'hui une zone de conflit.
La montée des groupes militants est encouragée par la pauvreté, la faim et la malnutrition généralisées. Actuellement, 40 % de la population du pays vit avec moins de 2 dollars par jour. Les conditions climatiques extrêmes ont contribué à la diminution des précipitations. Les terres agricoles dépérissent et finissent par disparaître, faisant du pays un terrain fertile pour les groupes d'insurgés qui peuvent alors facilement exploiter les jeunes hommes privés de leurs droits et vivant dans la pauvreté.
En se dirigeant vers le nord de la capitale Ouagadougou pour atteindre Pissila, une ville où des camps ont été construits pour les familles déplacées, nous sommes passés par Kaya, où un certain nombre de familles nouvellement déplacées étaient arrivées.
En nous y arrêtant, nous avons rencontré un groupe de femmes habillées de tissus colorés. J'ai découvert plus tard qu'ils étaient faits d'un matériau traditionnel tissé à la main et à base de coton, appelé dan fani. Le contraste était déconcertant. Bien que ces femmes aient fière allure, leurs vêtements étaient couverts de la poussière des longues journées de marche dans le désert. Beaucoup portaient de très jeunes enfants et des nouveau-nés.
En échangeant avec les équipes du PAM, elles expliquent qu'elles viennent d'arriver à Kaya pour y séjourner chez des proches ou chez des inconnus généreux, prêts à les accueillir. Elles ont fui après avoir vu leur village pillé, leurs maisons incendiées et leurs proches tués.
Le Burkina Faso n'est pas seul dans cette lutte : ses voisins, le Mali et le Niger, sont également au bord du désastre. Les conflits armés, après des années de pauvreté chronique et de changements climatiques, continuent de déplacer des centaines de milliers de personnes, laissant 2,4 millions d'entre elles dans la région du Sahel en situation d'insécurité alimentaire.
Pour les femmes que nous avons rencontrées, leur principale préoccupation est d'assurer la sécurité alimentaire de leurs enfants. Le PAM fourni une aide alimentaire et nutritionnelle immédiate aux populations du Burkina Faso, du Mali et du Niger, touchant 2,6 millions de personnes dans la région du Sahel en Afrique de l'Ouest.
Si elle n'est pas maîtrisée, cette crise risque de compromettre les progrès que le PAM et l'ensemble de la communauté humanitaire ont réalisés au Burkina Faso et au Sahel ces dernières années. En réalité, elle menacera le monde dans son ensemble. Nous pourrions atteindre un point de non-retour si la montée du militantisme et la détérioration des conditions humanitaires ne sont pas endiguées.
Au moment de quitter Kaya, après avoir parlé aux femmes déplacées, j'ai regardé dans le rétroviseur de notre véhicule les nuages de poussière qui tourbillonnaient derrière nous. La poussière s'est épaissie, faisant disparaître les couleurs vives et profondes des femmes vêtues de dan-fani.