Anticiper la crise des inondations en Somalie : comment le PAM a aidé les familles à se préparer
"J’ai été obligé de déménager à cause des crues soudaines. Au milieu de la nuit, l’eau a commencé à couler à flots dans le village", raconte Bashir Abdi. Cela fait une semaine que lui, sa femme et ses neuf enfants ont fui vers le camp de personnes déplacées d’Iftin, à l’extérieur de la ville de Beletweyne, dans le centre de la Somalie.
"[Mais] les messages d'avertissement étaient bons", ajoute-t-il à propos de l'aide qu'il a reçue du Programme alimentaire mondial (PAM). "On nous a tout dit : quoi faire, où aller et récupérer les articles ménagers importants. Et les bons d'achat ont aidé."
Abdi fait partie des 700 000 personnes chassées de leurs foyers par les inondations meurtrières qui ont balayé le sud et le centre de la Somalie, aggravées par les phénomènes météorologiques El Niño. Lui et sa famille ont été évacués vers les hauteurs d'Iftin depuis Wadi Shabelle, une ville fantôme de tentes vides embourbées dans l'eau stagnante et la boue puante.
Ces inondations ressemblent à une cruelle plaisanterie, survenant quelques mois seulement après la plus longue sécheresse de l’histoire de la Somalie. La sécheresse a poussé le pays au bord de la famine, qui a été évitée de justesse grâce à une intensification humanitaire massive. Aujourd’hui, les pluies torrentielles et la montée des eaux, qui ont frappé une grande partie de l’Afrique de l’Est, ont privé les communautés vulnérables de toute chance de se rétablir.
Mais le PAM et les autorités gouvernementales ont doté Abdi et sa famille, ainsi que de nombreuses autres personnes, des fonds et des connaissances nécessaires pour se préparer aux inondations avant qu'elles ne surviennent. Cette famille compte parmi les dizaines de milliers de Somaliens touchés par notre premier programme d’action anticipative contre les inondations en Afrique. Le programme, destiné à anticiper et atténuer les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes, a été récemment lancé en coordination avec l'Agence somalienne de gestion des catastrophes.
"Les personnes les plus vulnérables en Somalie ont été une fois de plus touchées par le changement climatique", déclare Laura Turner, directrice adjointe du PAM en Somalie. "Nous devons fournir aux communautés les outils et les connaissances nécessaires pour surmonter ces extrêmes et briser le cycle de la faim provoqué par la crise qui frappe la Somalie depuis trop longtemps."
Dès que les prévisions de précipitations ont dépassé des seuils clés, le PAM a envoyé des transferts monétaires préventifs à plus de 200 000 personnes dans les zones inondables prévues le long des rivières Juba et Shabelle. L'argent leur a permis de payer leur évacuation ou d'acheter des fournitures vitales une fois qu'ils ont déménagé.
Le PAM a également utilisé la radio locale, des haut-parleurs et des messages vocaux sur les téléphones portables pour avertir des centaines de milliers de personnes supplémentaires du déluge à venir et pour les guider dans leur planification.
Ces initiatives peuvent signifier que moins de personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence en cas de catastrophe. Pour beaucoup d’habitants d’Iftin, cela arrive juste à temps.
"J'ai entendu les messages radio et j'ai reçu 70 dollars… J'ai acheté du riz, des spaghettis et de l'huile", raconte Madina Odawye, 80 ans, qui a déménagé au camp avec ses trois petits-enfants quelques jours seulement avant Abdi. "Cela nous a aidé. C’est arrivé au bon moment."
Aujourd’hui, Iftin déborde d’activité. D'autres évacués par les inondations profitent d'une brève accalmie des pluies pour construire des abris temporaires avec tout ce qu'ils peuvent trouver : branches d'arbres, vieux tissus, tôle ondulée. Mais au-dessus de nous, le ciel s’assombrit à nouveau. Les pluies reviennent et les eaux montent de jour en jour.
Dans quelques jours, une grande partie de la ville de Beletweyne elle-même sera inondée. Les routes sont déjà pleines de familles fuyant dans des camions et des charrettes tirées par des ânes, remplies de meubles et souvent d'enfants perchés dessus. Les habitants d’Iftin ne peuvent qu’espérer que leurs nouvelles maisons resteront en sécurité au-dessus de l’eau.
Ce cycle dévastateur de sécheresse et d’inondations est tragiquement récurrent en Somalie. Le changement climatique aggrave encore la situation : les sécheresses et les inondations saisonnières deviennent de plus en plus extrêmes, entraînant des niveaux de faim parmi les pires depuis plus d'une décennie. Plus de 4 millions de personnes, soit un quart de la population, seront confrontées à une faim aiguë d’ici fin 2023.
"C'est la quatrième fois que nous souffrons d'inondations et la quatrième fois que nous venons ici", explique Abdi. "Mais nous ne nous attendions pas à ce genre de crues soudaines… nous ne savions pas que notre vallée serait inondée si rapidement [cette fois-ci]."
"Le prix de la nourriture augmente et il y en a moins", ajoute-t-il. "Et avec ces inondations, tout le monde est frustré. Il y a moins de possibilités de travailler."