Alors qu’El Niño intensifie les inondations et les sécheresses, une action précoce porte ses fruits
Dans la province de Rumonge, au sud du Burundi, Amina Hakizimana a échappé aux pires inondations qui ont frappé son village à la fin de l'année dernière grâce aux messages d'alerte précoce et à l'argent du Programme alimentaire mondial (PAM) qui lui ont permis de renforcer sa maison.
À plus de 2 000 kilomètres de là, en Afrique australe, le PAM a fourni des semences résistantes à la sécheresse, des engrais et des forages aux agriculteurs zimbabwéens comme Ledinah Muzamba, qui subissent l'une des sécheresses les plus sévères depuis des décennies. Et un hémisphère plus loin, un mur de protection soutenu par le PAM a sauvé les villageois et les cultures des crues soudaines et meurtrières qui ont décimé certaines parties de l'Afghanistan.
Ces trois exemples illustrent les visages très contrastés de la crise climatique et d’El Niño – un réchauffement naturel du Pacifique central et oriental qui peut modifier les conditions météorologiques à l’échelle mondiale – et les différentes options pour mieux anticiper ses retombées.
En Afrique australe, la sécheresse provoquée par El Niño laisse dans son sillage des récoltes brûlées et la faim
Près d’un an après son apparition, cette dernière édition d’El Niño, ainsi que le changement climatique, ont porté un coup dévastateur à certaines des communautés les plus affamées et les plus fragiles du monde. Mais l'empreinte d'El Niño a été atténuée dans les cas où les populations et les gouvernements ont reçu les outils, la formation et les connaissances nécessaires pour se préparer longtemps à l'avance aux événements météorologiques extrêmes.
"Nous connaissons les impacts probables d'El Niño et de La Niña suite aux épisodes passés, nous pouvons donc imaginer ce qui se passera dans le futur", déclare Jesse Mason, qui dirige les programmes d'action anticipative du PAM, permettant aux populations et aux gouvernements de se protéger contre les impacts climatiques.
Ces leçons sont d’autant plus pertinentes aujourd’hui, alors qu’El Niño s’affaiblit, La Niña se rapproche. Après une "phase neutre", de nombreux experts prévoient que l’opposé extrême d’El Niño, La Niña – un refroidissement des températures dans le Pacifique – arrivera probablement plus tard cette année, bouleversant une fois de plus les conditions météorologiques. La Colombie, par exemple, connaît déjà une saison des pluies inhabituellement précoce et abondante. Alors que la crise climatique aggrave les chocs météorologiques à l’échelle mondiale, de tels événements deviennent de plus en plus normaux.
Non seulement une action et une planification précoces permettent aux gouvernements et aux humanitaires d’économiser des millions de dollars, qui aurait autrement été dépensés pour répondre aux catastrophes météorologiques après qu’elles se produisent dit Mason du PAM, mais elles renforcent la résilience face aux catastrophes futures.
"Nous devons faire davantage pour faire face à des situations d’urgence prévisibles comme celle-ci", ajoute-t-il. "Il n'y a aucune raison d'être pris au dépourvu."
Les avantages d’une action précoce
Rien que l'année dernière, le PAM a protégé plus de 4 millions de personnes dans 36 pays grâce à des initiatives proactives leur permettant de mieux anticiper et d'agir avant les chocs météorologiques probables. Ces chiffres sont en forte hausse par rapport à 2022, et il est prévu de les augmenter encore dans les années à venir.
En Afrique de l’Est, où des inondations meurtrières ont décimé les zones agricoles dans de nombreux pays, le PAM apporte une assistance alimentaire et nutritionnelle immédiate à plus de 200 000 personnes, ainsi que des transferts monétaires préventifs et des alertes précoces.
"Je vis ici depuis six ans. Je n'ai jamais vu de pluies aussi abondantes", déclare Amina Hakizimana au Burundi, l'un des pays les plus durement touchés par les inondations.
"Heureusement, nous avons été prévenus et aidés à l'avance", dit-elle à propos des 80 dollars américains en espèces fournis par le PAM qu'elle a dépensés pour renforcer sa maison sur les rives du lac Tanganyika.
Prévisions saisonnières
Avant l'arrivée des pluies, le PAM et la Croix-Rouge du Burundi ont identifié les risques et les actions de préparation dans les communautés vulnérables. Nous avons également fourni du matériel, une formation sur les moyens de renforcer les prévisions saisonnières et la diffusion de messages d'alerte précoce aux communautés locales à l'Institut géographique du Burundi.
"Grâce aux alertes précoces sur les prévisions météorologiques, nous pouvons prédire si les pluies seront plus fortes ou plus légères dans les périodes à venir", explique Ezekiel Kayoya de l'Institut.
Avant les fortes pluies en Somalie, le PAM a fourni des transferts monétaires préventifs à des dizaines de milliers de personnes à risque, ainsi que des messages d'alerte précoce par radio et téléphone portable à près de 2 millions de personnes.
"Nous avons écouté les messages et nous nous sommes préparés avant que les inondations n'arrivent, en nous éloignant des eaux", explique Ruqiyo Muhumed Mohamud, qui vit dans un camp pour personnes déplacées dans la ville de Beledweyne, au centre de la Somalie.
Elle a également acheté de la nourriture avec environ 70 dollars en espèces du PAM. "Cela suffira pour moi et ma famille pendant la saison des inondations", ajoute-t-elle.
Des inondations aux sécheresses
Alors que de fortes pluies s’abattent sur l’Afrique de l’Est, l’Afrique australe est aux prises avec l’une de ses pires sécheresses depuis des années, incitant notamment le gouvernement du Zimbabwe à déclarer l’état de catastrophe.
Les gouvernements d'Afrique australe ont pris des mesures pour atténuer les dégâts, déclare Mason, expert du PAM. "Chaque gouvernement dispose d’un service météorologique national – ils savent à quel point la météo est importante", dit-il. "La valeur ajoutée du PAM réside dans le fait de les connecter avec les personnes vulnérables."
Dans le district de Binga, à l’ouest du Zimbabwe, par exemple, le PAM fournit des semences résistantes à la sécheresse, forme les communautés à l’utilisation des informations climatiques et fore des forages pour approvisionner en eau les cultures, le bétail et la population.
"Nous pourrons cultiver des jardins dans notre communauté et aussi avoir de l'eau pour notre bétail", explique Ledinah Muzamba, agricultrice de Binga. " Nous avons parcouru de longues distances pour que notre bétail ait de l'eau – plusieurs kilomètres."
Changement climatique
Les conséquences d’El Niño et les impacts de l’aggravation du changement climatique ne se limitent pas à l’Afrique. De fortes pluies en Afghanistan ont déclenché ces dernières semaines des crues soudaines qui ont tué des centaines de personnes et déplacé des milliers d'autres. Dans la province septentrionale de Baghlan, l'une des plus touchées, Raima a perdu son petit-fils et son bétail à cause des eaux de crue rugissantes.
"Les inondations ne nous ont rien laissé", dit-elle en pleurant.
Aujourd’hui, Raima – qui, comme beaucoup d’Afghans, ne porte qu’un seul nom – compte parmi les milliers de personnes qui reçoivent des biscuits enrichis et de l’argent liquide du PAM pour subvenir à leurs besoins, ainsi que du pain gratuit provenant de boulangeries approvisionnées en farine du PAM.
Il en va de même pour Lailoma, mère de six enfants, dont la famille a survécu de justesse à la catastrophe. Ils dorment dans un cimetière sur une colline voisine, au-dessus du déluge, avec leur seul bien, un chaton sauvé.
"Il ne nous reste que ces murs", explique Lailoma en montrant à un visiteur les restes de sa maison.
La situation est différente dans les endroits où le PAM a pu agir. Un village voisin reste intact grâce à un mur de protection contre les inondations, sauvant les récoltes et des centaines de familles.
La Niña ensuite ?
En Amérique latine et dans les Caraïbes – qui ont connu l'année dernière à la fois une sécheresse prolongée dans des endroits comme la Bolivie et la Colombie, et d'intenses précipitations et inondations dans d'autres – le PAM a travaillé avec les gouvernements et ses partenaires pour renforcer les mécanismes d'alerte précoce et élaborer des plans d'action avant-gardistes.
In parched Guatemala and Nicaragua, we delivered drought-tolerant seeds and training to smallholder farmers. In flood-hit Ecuador, WFP supported the Government’s scale-up of its social protection system and collaborated with Indigenous and Afro-descendent communities to enhance their climate resilience, allowing them to develop their own adaptation strategies. Farther south, WFP assisted Peruvian authorities in positioning humanitarian goods ahead of anticipated heavy rains.
Dans les régions arides du Guatemala et du Nicaragua, nous avons fourni des semences résistantes à la sécheresse et dispensé des formations aux petits exploitants agricoles. En Équateur, frappé par les inondations, le PAM a soutenu le renforcement du système de protection sociale par le gouvernement et a collaboré avec les communautés autochtones et d’ascendance africaine pour renforcer leur résilience climatique, leur permettant ainsi d’élaborer leurs propres stratégies d’adaptation. Plus au sud, le PAM a aidé les autorités péruviennes à positionner des biens humanitaires avant les fortes pluies attendues.
D’autres chocs météorologiques pourraient survenir si les prévisions concernant La Niña s’avèrent exactes.
"Maintenant, nous informons les gens sur ce qui est susceptible d'arriver – et nous nous assurons que nous disposons des outils et des processus nécessaires pour pouvoir agir avant", explique Mason.
Après la sécheresse, ajoute-t-il, l'Afrique australe pourrait connaître des inondations avec ce dernier événement météorologique. "Dans un monde parfait, il y aurait plus de pluie, mais pas trop", ajoute Mason. "Mais nous nous préparerons au pire."