Impact de la hausse des prix de l'alimentation
• L’augmentation des coûts d’un demi milliard de dollars ne comprend pas les nouveaux besoins provoqués par la flambée des prix alimentaires (ou des catastrophes naturelles, etc.) Le budget des opérations du PAM pour 2008 atteint maintenant 3,4 milliards de dollars.
• A eux seuls, les coûts des produits de base ont augmenté de 40 % depuis la mi-2007, lors de la première estimation des coûts du PAM. Cette année, le PAM a approuvé des projets pour nourrir 73 millions de personnes dans 78 pays.
• Le PAM travaille activement pour éviter de devoir réduire les rations ou le nombre de personnes à nourrir. Nous faisons tout notre possible pour mobiliser l’attention et le soutien du monde entier – en coopération avec les gouvernements, le secteur privé, et les particuliers – pour éviter d’avoir à prendre de telles mesures.
• Le PAM a tenu des réunions avec des experts d’un certain nombre d’instituts de recherche, d’organisations universitaires et opérationnelles ainsi que d’ONG, y compris l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le système d’alerte précoce contre la famine de l’USAID (FEWSNET), l’Overseas Development Institute, ainsi que l’International Food Policy Research Institute, afin de mieux appréhender la situation.
• L’augmentation des prix des aliments a déjà provoqué des troubles sociaux dans un certain nombre de pays. Ces dernières semaines, en effet, des émeutes de la faim ont été signalées au Burkina Faso, au Cameroun, au Sénégal, et au Maroc.
• Les réserves alimentaires ont atteint leur niveau le plus bas depuis trente ans, et les marchés des produits de base sont extrêmement volatiles, et sujets à des pics soudains et à la spéculation. La situation s’est aggravée avec la chute du dollar - la monnaie dans laquelle tous les produits de base sont échangés.
La voie à suivre
• Le PAM travaille de concert avec les gouvernements donateurs traditionnels, le secteur privé, les fondations et institutions universitaires, ainsi que les gouvernements des pays bénéficiaires, en vue de répondre aux nouveaux besoins de financement, de contribuer à renforcer le secteur agricole dans les pays en développement et de fournir des filets de sécurité aux plus pauvres et aux plus vulnérables. L’objectif serait (i) de protéger les consommateurs les plus démunis ; et (ii) de créer l’espace dont ont besoin les gouvernements pour poursuivre l’investissement à long terme dans le développement rural (une agriculture à petite échelle ; de meilleurs systèmes de stockage ; des routes, etc.)
• Le côté positif de cette situation est que les prix élevés sur les marchés nationaux et internationaux ont créé une occasion favorable à un recentrage sur l’agriculture et le développement rural dans les pays en développement, ciblé en particulier sur les petits agriculteurs. Néanmoins, des investissements répétés et continus seront nécessaires. Le retour sur l’investissement mettra du temps à se réaliser, mais à long terme, les petits producteurs pourront tirer profit des prix plus élevés des denrées alimentaires, à condition qu’ils puissent être en sécurité quant à leur statut de producteurs nets plutôt que consommateurs nets.
Facteurs principaux de la hausse des produits alimentaires :
1) La hausse des prix du carburant et de l’énergie qui affecte toute la chaîne de la production alimentaire ; de l’engrais à la récolte, au stockage et à la livraison
2) Le boom économique de pays tels que l’Inde et la Chine, responsables d’une demande plus forte (c.à.d. pour l’importation des produits alimentaires)
3) Les phénomènes climatiques à l’orgine de mauvaises récoltes, par exemple les sécheresses multiples en Australie 4) La concurrence entre produits alimentaires et carburant –la production de biodiesel entraîne une spéculation sur les marchés, par exemple, le prix de certains produits alimentaires sont alignés sur le prix du carburant comme l’a été l’huile de palme.
Points supplémentaires
• Selon le PAM, l’impact de l’augmentation des prix du carburant et des produits alimentaires ne se fera pas seulement sentir dans les coûts opérationnels, mais il est aussi probable que la fréquence et l’intensité de l’insécurité alimentaire en soient affectés.
• Les ménages les plus démunis auront tendance à dépenser une plus grande part de leurs revenus pour se procurer de la nourriture au détriment des produits non-alimentaires. Ainsi, les conséquences de la hausse des prix se manifesteront d’abord par un taux de fréquentation scolaire plus faible ou par un épuisement des actifs, plutôt qu’une consommation alimentaire réduite.
• Parmi les ménages les plus démunis, nous assistons déjà à un impact direct sur la sécurité alimentaire, car ils achètent déjà plus de nourriture qu’ils en vendent, dépensent une plus grande partie de leurs revenus pour la nourriture, et ont moins de mécanismes d’adaptation sur lesquels ils peuvent se rabattre.
• Ces groupes comprennent les ruraux sans terre, les bergers, et la majorité des petits agriculteurs. Cependant, ce sont les pauvres en milieu urbain qui sont le plus touchés. L’impact dans certains des pays où le PAM intervient : Afghanistan
• A la fin du mois de janvier, le président Karzai a lancé un appel de77 millions de dollars afin de pouvoir nourrir 2,5 millions de personnes supplémentaires qui souffrent actuellement de la faim à cause de la hausse des prix des denrées alimentaires.
• La moyenne des prix du blé en Afghanistan a augmenté de 67 % depuis le début de l’année 2007 ; en moyenne, les Afghans qui ne pratiquent pas des activités d’agriculture consacrent 75 % de leurs revenus à l’achat de la nourriture.
• En 2006, le ménage afghan moyen dépensait 20 % de son revenu pour le pain ou les céréales. Maintenant il en dépense près de 45 %.
• La pauvreté alimentaire est une menace non seulement dans les régions reculées mais aussi dans les zones urbaines de l’Afghanistan.
Bangladesh
• Le prix du riz a augmenté de 25 à 30 % au Bangladesh au cours des trois derniers mois. En 2007, le prix du riz avait augmenté d’environ 70 % .
• En conséquence, les couches les plus pauvres de la population du Bangladesh ont été contraintes de réduire le nombre de leurs repas quotidiens ainsi que la quantité de nourriture.
• A cause de la baisse des revenus des ménages, les familles ne peuvent pas acheter de fruits et de légumes. Elles consomment des aliments meilleur marché, et par ce fait mettent en péril leur statut nutritionnel.
Cambodge
• Depuis 1996, le Cambodge produit un surplus de riz. Cependant, en 2007, une quantité si importante de riz a été exportée vers les pays voisins, pour profiter des prix plus élevés payés par les commerçants étrangers, que des Cambodgiens d’habitude auto-suffisants, sont maintenant confrontés à une pénurie de riz.
• L’accès est la préoccupation principale : l’augmentation combinée des prix subventionnés de l’essence et des produits alimentaires a un effet inflationniste important.
• La période de soudure traditionnelle commence entre août et septembre. Le PAM devra peut-être distribuer à ce moment-là des quantités limitées de nourriture gratuite dans les régions du pays sujettes à la sécheresse.
Indonésie
• Le gouvernement indonésien est très inquiet des importantes manifestations qui ont commencé au mois de janvier à travers le pays, pour protester contre le prix du soja, qui a doublé en un mois seulement.
• En partie à cause de la hausse des prix des produits de base, le gouvernment a aussi récemment augmenté son programme de subvention de riz de 50 %. Le gouvernement envisage de fournir du riz subventionné à 80 millions de personnes, selon les estimations.
• En Indonésie, près de 40 % de la population – soit 90 millions de personnes – vit avec moins de deux dollars par jour. Toutes ces personnes sont potentiellement vulnérables à la hausse des prix. Dans les zones rurales, c’est la hausse des prix du maïs et du riz qui aurait le plus d’impact.
Le Salvador
• La population du Salvador rural achète 50% de nourriture de moins qu’il y a 18 mois, avec la même somme d’argent. Cela implique que leur apport nutritionnel, qui s’ajoute à une alimentation déjà mauvaise, est diminué de moitié. Cette tendance, si elle n’est pas inversée, accroîtra la crise de sécurité alimentaire et nutritionnelle qui touche des centaines de milliers de ménages ruraux démunis à travers l’Amérique centrale.
• La quantité de nourriture quotidienne moyenne consommée par la population du Salvador a été réduite de moitié au cours des deux dernières années. Cela pourrait avoir comme conséquence un recul des progrès nutritionnels accomplis grâce au PAM jusqu’à présent, ainsi que de toute la stratégie anti-pauvreté du pays.
• Les coûts d’achat du PAM ont augmenté de plus de 70 % au cours des cinq dernières années. Les repas scolaires ne sont parfois pas disponibles au Salvador, et le PAM est en train de passer le relais du programme d’alimentation scolaire au gouvernement national.
Guatemala
• Bien que le gouvernement n'ait pas pris de mesures importantes pour contenir les effets de la hausse des prix, les prix sont sous surveillance et une augmentation de 10 % du quota d'importations de maïs exempts de droits de douane a été annoncée. Les autorités s'inquiètent de l'augmentation possible du prix des aliments pendant la période de soudure (mai - juillet 2008) et plus particulièrement des céréales transformées (tortillas) consommées dans les zones urbaines.
• Compte tenu du taux élevé de pauvreté (55 % de personnes pauvres, 15 % de personnes extrêmement pauvres et 49,3 % de personnes souffrant de malnutrition chronique), il faut s'attendre à ce qu’au moins certains des ménages les plus démunis soient contraints de réduire leur consommation alimentaire. Au Guatemala, il existe généralement une dépendance forte à l'égard des achats faits au marché pour ce qui est de la consommation de nourriture (environ 80 % dans les zones rurales, selon une récente étude de la cellule d’analyse de la vulnérabilité et de la cartographie du PAM). Ainsi, les stratégies les plus probables pour faire face à l'augmentation des prix seront, soit de réduire la quantité de nourriture ou de réduire le nombre de repas quotidiens.
Burkina Faso
• Le pouvoir d’achat de la plus grande partie de la population est très faible. Avec la hausse des prix des produits alimentaires et le déclin du marché du coton, les ménages vont recommencer à augmenter les cultures vivrières plutôt que les cultures de rente. Toutefois, même si la production de céréales des ménages peut être maintenue pour couvrir les besoins de consommation, la sous-alimentation augmentera probablement davantage en raison du manque d’accès de la population à une nourriture riche en micronutriments.
• Le gouvernement a déjà mis en place un mécanisme de ventes subventionnées, qui est activé chaque année là où il y a moins de produits vendus sur les marchés et où les prix sont trop élevés. A présent, le gouvernement possède près de 30 000 tonnes de céréales en stock de sécurité alimentaire.
• Si le PAM avait accès à des ressources supplémentaires, l’alimentation complémentaire ainsi que l’alimentation scolaire constitueraient la réponse la plus appropriée aux ventes subventionnées. Les activités du PAM viseraient les groupes de population les plus fortement touchés par la hausse des prix.
• En 2008, le PAM au Burkina Faso viendra en aide à 600 000 bénéficiaires (par le biais de l’alimentation scolaire et des programmes de santé maternelle et infantile) si les ressources sont disponibles.
Sierra Leone
• En décembre 2007, le prix du riz a augmenté de près de 40 % par rapport à décembre 2006. Pendant la même période, le prix de l'huile de palme a augmenté d'environ 50%, et celui du pain (farine de blé) de 25 %. En janvier 2008, l'Association des fabricants de pain a appelé ses membres à la grève contre la hausse du prix de la farine de blé, qui est fabriquée localement avec du blé importé.
• Toute nouvelle augmentation des prix des denrées alimentaires aurait des conséquences graves sur la majorité de la population, qui vit en dessous du seuil national de pauvreté. Parmi celle-ci, on compte quelque 120 000 petits ménages agricoles qui produisent moins de 50 % de leur besoins de riz pour l'année et 20 000 ménages urbains à faible revenu, selon les estimations.
• Les récoltes de céréales nationales couvrent environ 67 % des besoins de consommation (environ 530 000 tonnes). L’écart de la consommation annuelle à combler par le biais des importations commerciales et de l'aide alimentaire, est de 175 000 tonnes, selon les estimations. Le PAM fournit environ 15 000 tonnes de vivres par an.
Syrie
• La hausse des prix des produits alimentaires a des conséquences catastrophiques sur l’économie syrienne et sur la capacité du gouvernement à introduire des mesures de réforme économique. La hausse des prix correspond à une diminution de la production de pétrole (source principale de revenu du gouvernement). Les Syriens ont réagi violemment quand les prix du pétrole ont été libéralisés en octobre, et le gouvernement avertit que d’autres mesures semblables vont être prises.
• Il existe un préjugé largement partagé parmi le gouvernement et la population, qui attribue l’inflation au grand nombre d’Irakiens actuellement réfugiés dans le pays. Bien qu’une étude récente du PNUD démente ce fait, la hausse continue des prix nourrit l’antipathie envers les Irakiens.
• Les plus pauvres obtiennent un soutien grâce aux subventions accordées par les systèmes de protection sociale, les associations caritatives (religieuses, laïques et commerciales) et les dons individuels. Toutefois, l’inflation générale a pour conséquence une augmentation du nombre de personnes qui ont besoin de soutien et une pression accrue sur ces systèmes et institutions.
Égypte
• Étant donné que les salaires n’ont pas augmenté proportionnellement au prix des aliments, il devient de plus en plus difficile pour la population de survivre, en particulier pour les personnes qui ne font pas partie d’un programme de subventions.
• Tous les jours, on lit dans la presse que des personnes commencent à se nourrir de produits de base de moindre qualité, qui ne possèdent pas assez de valeur nutritionnelle ; ces personnes achètent de moins en moins de viande/volaille/fromage et réduisent aussi les dépenses liées à l’éducation, à la santé, etc.
• Les dépenses d’un ménage moyen auraient augmenté de près de 50 % depuis le début de l’année.