Skip to main content

Rapport de l’ONU : l’immense défi de l’objectif Faim Zéro

Les crises économiques, les conflits et le changement climatique font grimper les chiffres de la faim pour la troisième année consécutive.
, WFP (PAM)

par David Orr, traduit de l'anglais

1*uzSTP3NQHGSl3f-yOha_RQ.jpeg
Un camp des Nations Unies pour personnes déplacées dans la province de l'Ituri, en République démocratique du Congo, 2018. Photo : PAM/Jacques David

Selon « L'état de l'alimentation et de la nutrition dans le monde 2019 », également connu sous le nom de rapport SOFI, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde a augmenté pour la troisième année consécutive.

Le rapport est publié conjointement par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA), l'UNICEF, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Il vise à mesurer les progrès accomplis en vue de l'objectif 2 des Nations Unies en matière de développement durable, à savoir la Faim Zéro d'ici 2030.

Publié le lundi 15 juillet à New York, le rapport SOFI 2019 estime à 821 millions le nombre de personnes souffrant de faim chronique en 2018, soit 10 millions de plus que l'année précédente. Cela signifie qu'une personne sur neuf souffre de la faim dans le monde. L'Afrique est par ailleurs particulièrement touchée, avec une personne sur cinq souffrant de la faim.

De plus, le retard de croissance touche 149 millions d'enfants et environ 2 milliards de personnes sont confrontées à des niveaux modérés d'insécurité alimentaire.

« Nous avons atteint la lune il y a 50 ans, nous parlons aujourd'hui d'aller sur Mars, mais nous ne pouvons toujours pas nourrir tout le monde sur le terrain », déclare Arif Husain, économiste en chef du PAM. Il ajoute que si l'accent n'est pas mis sur « les causes profondes de la faim, comme les conflits et le climat, il n'y a aucune chance d'arriver à un monde sans faim ».

1*QO2xCtgNWWuX42QnBoBM5g.jpeg
Arif Husain, économiste en chef du PAM, à Rome la semaine dernière. Photo : PAM/Peyvand Khorsandi

Pour ce qui est d'atteindre les objectifs de développement durable de l'ONU pour 2030, le monde « va dans la direction opposée », explique Arif Husain. Le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde est en effet revenu à ce qu'il était il y a dix ans. « Les conflits et les conditions climatiques extrêmes sont bien toujours présents, de même que les grosses crises économiques. »

Le problème de la faim a été aggravé ces dernières années par les événements au Moyen-Orient, en particulier les conflits en Syrie, au Yémen et en Iraq, ainsi que par ceux liés au climat dans des pays comme le Malawi, Madagascar, le Mozambique, El Salvador et le Guatemala. Mais l'objectif principal du rapport SOFI de cette année est de montrer comment les économies non performantes ont un impact négatif sur le niveau de la faim.

L'inégalité a de graves répercussions sur la faim : l'insécurité alimentaire grave est presque trois fois plus grande dans les pays où les niveaux d'inégalité des revenus sont élevés. « La situation est particulièrement difficile pour les pays à faible revenu où les inégalités augmentent la probabilité d'une grave insécurité alimentaire de 20 % par rapport aux pays à revenu intermédiaire. »

Par ailleurs, les risques d'insécurité alimentaire sont environ 10 % plus élevés pour les femmes que pour les hommes.

« Il existe des conflits dans de nombreux pays africains, et lorsqu'on combine cela avec les conditions climatiques extrêmes et la marginalisation économique, on constate que 20 % de personnes de plus sont sous-alimentées aujourd'hui », dit Husain. Ainsi, les pays où la faim est alimentée à la fois par le climat et les conflits sont l'Afghanistan, le Tchad, la République démocratique du Congo et le Soudan du Sud.

« Nous devrions davantage nous faire entendre sur le défi de la faim », insiste M. Husain. « Le coût intergénérationnel est énorme puisque les enfants souffrent en effet de retard de croissance et d'émaciation. C'est un coût financier, un coût social et un coût politique : si nous n'abordons pas ce genre de choses dans un monde globalisé, cela engendrera l'extrémisme, le déplacement et les conflits. Ainsi, le conflit se nourrit de lui-même ».

1*qPzmwLVBGpQiPks0jWNO7g.jpeg
Kondougou, un village du Mali soutenu par le PAM, en mai 2018. Photo : PAM/Cecilia Aspe

Arif Husain souligne l'importance de la nutrition pour les enfants, en effet, voir les prochaines générations faire face à la malnutrition dès le plus jeune âge ne peut qu'exacerber le problème de la faim.

« Un enfant peu nourri pendant les 1 000 premiers jours de sa vie (de la conception à son deuxième anniversaire) n'atteindra jamais pleinement son potentiel. Ou du moins, ce sera très difficile. Nous parlons ici d'une nouvelle génération marginalisée ». Par ailleurs, c'est un coût qu'aucun pays ne peut ignorer, affirme l'économiste. « Ce n'est plus le problème de quelqu'un d'autre. Et si nous ne le résolvons pas, nous en subirons les conséquences d'une façon ou d'une autre. Alors, il vaut mieux en payer le prix maintenant, et payer moins, que de payer plus tard ».

Pour changer le sort des pays où la faim persiste, la clé est « l'autonomisation des femmes dans le secteur agricole. Ces dernières représentent 47 % de la main-d'œuvre », selon Arif Husain. « Imaginez que vous n'utilisiez pas la moitié de votre main-d'œuvre, comment espérez-vous réussir ? ». Mais Arif Husain est toutefois optimiste sur la « prise de conscience globale et renouvelée du fait que ce niveau de faim dans le monde devrait être inacceptable au XXIe siècle ». Il attribue notamment cela à l'adoption de la résolution 2417 du Conseil de sécurité des Nations Unies, l'année dernière, qui reconnaît le lien entre la faim et les conflits et condamne l'utilisation de la faim comme une arme de guerre.

Selon l'économiste, nous devons maintenir la pression pour mettre fin à la guerre, et essayer d'atteindre un monde sans faim : « si vous vous engagez, si vous faites assez de bruit, si vous vous assurez que la responsabilité et l'obligation de rendre compte incombent aux gouvernements, et si nous sommes là pour aider, nous pouvons y arriver ».

Lire le rapport SOFI 2019

Plus d'informations : Communiqué de presse du PAM