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Prévenir les pertes et le gaspillage alimentaires grâce à de bons emballages

Entretien avec l'expert en emballage du Groupe de la sécurité sanitaire et de la qualité des aliments du PAM
, WFP (PAM)

Par Simona Beltrami, traduit de l'anglais

Un ingénieur en emballage ? Ce n'est pas le premier profil professionnel qui nous vient à l'esprit lorsqu'on pense à l'action humanitaire. Pourtant, pour une organisation comme le Programme alimentaire mondial (PAM), qui gère, déplace et distribue des millions de tonnes de denrées alimentaires chaque année, savoir comment optimiser l'emballage peut tout changer.

A l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, qui a mis l'accent sur la question des déchets alimentaires, j'ai pris un café en compagnie de Carole Manceau, spécialiste de l'emballage du PAM. Diplômée de l'une des rares écoles européennes spécialisées dans l'emballage à Reims (France), elle a pris ses fonctions actuelles, dirigeant les efforts du PAM pour comprendre les besoins en matière d'emballage et améliorer les solutions, il y a dix mois.

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Carole Manceau visite un entrepôt du PAM au Pakistan. Les logisticiens du PAM sur le terrain l'aident à identifier les problèmes. Photo : PAM

Nous commençons notre conversation avec un chiffre frappant, actuellement au cœur de la campagne #StopTheWaste : près d'un tiers de la nourriture produite dans le monde est perdue ou gaspillée chaque année. Ce qui est d'autant plus troublant, c'est que cette nourriture suffirait à nourrir le double du nombre actuel de personnes qui se couchent chaque soir le ventre vide.

Il est important de faire la distinction entre la perte de nourriture et le gaspillage alimentaire. Les pertes font référence à la nourriture perdue, qui devient impropre à la consommation humaine alors que le gaspillage est, quant à lui, le fait de produire des déchets en jetant des aliments qui auraient pu être consommés . Ainsi, Carole M. nous explique : "Lorsque la nourriture est perdue ou gaspillée, toutes les ressources naturelles et l'énergie qui ont servi à la produire, la transformer, la transporter et la distribuer sont également gaspillées. L'emballage représente environ 10 % de cette énergie, mais il peut jouer un rôle crucial pour éviter que les 90 % restants ne soient gaspillés."

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Un bon emballage est primordial pour que le PAM puisse fournir des aliments sains et nutritifs dans des endroits comme le Soudan du Sud. Photo : PAM/Gabriela Vivacqua

"Bien sûr, l'emballage à lui seul ne peut pas résoudre le problème", poursuit-elle. "Mais pour nous, au PAM, cela peut faire une très grande différence en termes de quantité de nourriture qui parvient aux personnes dans le besoin au lieu d'être gaspillée et perdue tout au long de la chaîne logistique."

Mais comment s'y prendre ?

"Un emballage adéquat peut protéger nos aliments lorsqu'ils sont chargés, déchargés, transportés sur des routes cahoteuses ou largués d'un avion", explique Carole Manceau. "Il peut également préserver sa qualité dans des conditions environnementales difficiles, face à des températures extrêmes, à l'humidité ou à la poussière . Un tel environnement peut affecter la durée de conservation des produits. L'emballage peut également contribuer à prévenir la fraude alimentaire et à protéger les denrées alimentaires contre les manipulations intentionnelles et la contamination, en particulier grâce à un système de traçabilité efficace".

Carole M. n'est pas seule dans sa quête d'emballages plus performants : elle travaillent aux côtés d'agents de la chaîne d'approvisionnement et de technologues en denrées alimentaires des opérations mondiales du PAM. Ils aident à comprendre les défis d'une chaîne d'approvisionnement complexe et fournissent une rétroaction sur les enjeux.

"Récemment, nous avons examiné les conteneurs que nous utilisons pour transporter l'huile végétale. Nous avons reçu des rapports récurrents de fuites, qui entraînent des pertes et menacent d'endommager la qualité du produit", nous explique Carole M. "Nous avons travaillé avec nos fournisseurs pour en comprendre les causes, en essayant de déterminer si la conception affectait la résistance des conteneurs ou s'il y avait un problème avec la densité du matériau utilisé. Nous avons ainsi pu définir des conditions d'emballage plus strictes, incluant des exigences minimales pour les conteneurs afin de répondre aux spécificités de la chaîne d'approvisionnement du PAM."

Trouver la solution " idéale" est un exercice d'équilibre difficile. Il faut évidemment et dans un premier temps disposer d'emballages robustes qui résistent à des conditions de transport difficiles, à de nombreuses manipulations et à l'empilage, mais à cela s'ajoute la nécessité de prendre en considération les coûts, les fonctionnalités (telles que la facilité d'utilisation, la conservation) et la durabilité environnementale.

"De plus, nous devons nous assurer que toutes les solutions que nous adoptons peuvent être achetées par nos fournisseurs, où qu'ils se trouvent", explique Carole Manceau.

Il y a de quoi occuper un esprit curieux comme celui de C. Manceau, surtout dans une organisation dont la raison d'être est de nourrir les gens, et où les besoins de ceux qui reçoivent la nourriture sont primordiaux.

"Comprendre ce qui fonctionne le mieux pour les personnes qui reçoivent notre aide est l'une de nos principales préoccupations. Les sacs sont-ils trop lourds ? Les petits formats d'emballage sont-ils plus pratiques ? Nos emballages sont-ils réutilisés et comment ? Voilà les questions que nous posons constamment pour améliorer l'expérience de ceux que nous servons ", nous confie Carole Manceau.

"Par exemple, le supplément nutritif à base de lipides que nous distribuons pour lutter contre la malnutrition chez les enfants venait autrefois dans des pots contenant une semaine de rations. Mais nous avions constaté que ce type de quantité entraînait des pertes, car il n'était pas toujours possible de préserver le produit une fois ouvert. Nous sommes donc passés à des rations quotidiennes en sachets. Celles-ci contiennent la quantité exacte dont l'enfant a besoin et elles sont plus faciles à utiliser pour les mères", explique-t-elle. Ce choix a d'ailleurs permis de réduire les coûts de transport, puisque vous pouvez mettre 12% de rations en plus dans le même espace, par rapport aux plus grands pots.

En résumé, trouver un équilibre entre les besoins, les acteurs et les contraintes multiples représente un défi de taille. Mais notre objectif de mettre à disposition plus de nourriture pour les personnes dans le besoin, avec une qualité, une sécurité et une valeur nutritionnelle accrues tout en favorisant un impact environnemental moindre est un objectif important, qui en vaut la peine. C'est pour cela que Carole Manceau accepte ce défi avec beaucoup d'enthousiasme.

"Les choses vont vite dans le monde de l'emballage, il y a sans cesse de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. C'est un privilège de mettre ces innovations au service de l'humanité", conclut Carole M.

En savoir plus sur les question d'emballages au PAM