Populations autonomes et transferts monétaires en espèces : 10 ans de travail du PAM
Par Fiona Guy, traduit de l'anglais
Pour les personnes qui ne font pas partie de la communauté humanitaire, l'assistance sous forme de transferts monétaires peut paraître étrange. Pourtant, ces dix dernières années, cette forme d'aide humanitaire est devenue monnaie courante. En effet, l'argent distribué permet aux gens de décider eux-mêmes de la façon dont l'aide reçue peut améliorer leur vie.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) utilise les transferts en espèces pour permettre aux gens de faire des choix et de couvrir les besoins essentiels sur les marchés locaux, tout en contribuant à dynamiser ces marchés.
En 2019, le PAM a transféré un montant record de 2,13 milliards de dollars de pouvoir d'achat dans 64 pays : un nombre en augmentation considérable par rapport aux 10 millions de dollars transférés dans 10 pays en 2009.
La distribution d'argent donne aux familles en situation difficile le sentiment inestimable de pouvoir agir sur leur situation. Le PAM a constaté que le fait, pour les populations, d'avoir le choix est essentiel pour leur sécurité alimentaire et leur bien-être. Les dernières recherches menées au Liban montrent ainsi que 91% des familles bénéficiant des transferts monétaires en espèces ont déclaré donner la priorité à la nourriture dans leurs dépenses ménagères, suivie du loyer et des frais médicaux.
Alors que le PAM marque sa dixième année d'assistance sous forme de transferts monétaires en espèces, voici quelques points saillants de la manière dont l'organisation continue à donner des moyens d'action aux populations dans les endroits où le changement climatique et les conflits menacent la sécurité alimentaire.
Objectifs de développement durable pour 2030
Toutes les familles ont des besoins essentiels tels que l'accès à la nourriture, à un logement, à l'eau, à l'hygiène, à l'éducation et à la santé. La distribution en espèces permet aux gens d'acheter toute une série de biens et de services en fonction de leurs besoins spécifiques, contribuant par la même occasion à la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unies.
Au départ, l'argent liquide permettait aux ménages d'acheter de la nourriture sur les marchés. Mais vivre en situation de crise est un exercice d'équilibre délicat et les familles se retrouvent parfois en situation d'insécurité alimentaire pour avoir choisi de fournir un abri ou des médicaments à certains de leurs proches. Pour prévenir ces dilemmes impossibles, dans certaines opérations, le PAM attribue son aide de façon à ce que les personnes bénéficiaires puissent utiliser l'argent liquide à des fins diverses. Cela peut contribuer à accroître la sécurité alimentaire, dès lors que celle-ci n'est plus sacrifiée pour couvrir d'autres besoins.
Dans une opération menée à Dimbelenge, en République démocratique du Congo, où le PAM a utilisé l'aide en espèces à usages multiples, les ménages étaient quatre fois moins susceptibles de recourir à des mesures désespérées pour s'adapter telles que retirer les enfants de l'école ou réduire la taille des repas. En 2017–2018, les ménages à la consommation alimentaire acceptable (c'est-à-dire qui mangeaient suffisamment de nourriture et avaient un régime alimentaire diversifié et nutritif) ont plus que décuplé, passant de 2,4% à 39%.
Incidences sur le marché et la vente au détail
L'aide en espèces du PAM peut également donner un coup de fouet aux économies locales, en rendant d'autres produits disponibles à moindre coût et de meilleure qualité, comme les denrées alimentaires. Entre 2009 et 2019, le PAM a injecté 8,6 milliards de dollars par le biais de transferts d'argent en espèces dans les économies de 75 pays. Au Liban, depuis 2013, les programmes du PAM basés sur des transferts monétaires ont quant à eux permis d'investir 1,6 milliard de dollars dans l'économie locale, de créer 700 nouveaux emplois et de contribuer à la conclusion de contrats avec des détaillants, augmentant ainsi leur clientèle régulière de 16 %.
Egalité des sexes
Les transferts monétaires en espèces peuvent encourager l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes. Au Bangladesh, des programmes basés sur le transfert monétaire et des activités de sensibilisation ont contribué à réduire la violence sexiste et le mariage précoce des filles. Ils ont également renforcé le rôle de leadership des femmes. En Égypte, les femmes ont fait état d'une amélioration de leurs compétences budgétaires, de la réalisation d'activités de subsistance, de la possibilité de gagner leur propre revenu pour la première fois et d'une plus grande autonomie dans la prise de décisions.
De l'accompagnement à l'autonomisation
Le PAM aide les pays à diriger leurs propres efforts pour réduire la faim et la pauvreté. Après le passage de l'ouragan Maria en Dominique en 2017, le gouvernement et le PAM ont mis en place un programme conjoint de transfert d'argent pour fournir une assistance à 25 000 personnes en utilisant le Programme d'assistance publique, un mécanisme de protection sociale qui apporte un soutien régulier aux plus vulnérables. Ce programme a aidé les personnes à entamer le long processus de retour à une vie normale et a renforcé la capacité des institutions et des systèmes nationaux à se préparer, à répondre et à atténuer l'impact des chocs futurs.
L'inclusion financière
L'inclusion financière signifie que les individus et les entreprises ont accès à des produits et services financiers utiles et abordables qui répondent à leurs besoins. Elle a été identifiée comme un élément clé pour permettre de progresser vers les objectifs de développement durable, notamment la sécurité alimentaire et la prospérité partagée de ceux qui en ont le plus besoin. Les programmes d'assistance en espèces du PAM constituent un point de départ pour l'inclusion financière car ils fournissent aux populations non bancarisées un premier accès à des comptes et à des services financiers, pour eux, mais aussi pour leurs activités professionnelles.
Sauver des vies, changer des vies : l'avenir de l'argent en espèces
Alors que le PAM élargit son référentiel d'assistance alimentaire pour y inclure les transferts numériques afin de couvrir de multiples besoins, l'organisation est en mesure d'approfondir son empreinte opérationnelle en fournissant une assistance technique aux gouvernements et en travaillant avec un large éventail de partenaires selon des modalités qui n'étaient pas encore au point il y a dix ans.
Ces nouvelles possibilités entraînent une perturbation positive du secteur humanitaire, ouvrant des possibilités de renforcement des systèmes nationaux. Ainsi, les gouvernements et les acteurs commerciaux sont en mesure de fournir une assistance de manière sûre et efficace, tout en permettant aux bénéficiaires de devenir des participants à part entière des sociétés dans lesquelles ils vivent.