Skip to main content

Nous ne résoudrons pas le problème de la faim dans le monde sans mettre fin aux conflits

Faites de la nourriture un outil de paix, plaide le Directeur Exécutif du PAM
, WFP (PAM)

A l'occasion de la Journée internationale de la paix, le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley, est clair : "Il n'y a pas de solution double : nous ne pouvons pas mettre un terme à la faim si nous ne mettons pas fin aux conflits".

Le monde est au bord d'une pandémie de la faim. Alors que le coronavirus menace de presque doubler le nombre de personnes souffrant de la faim aiguë, soit un total de 270 millions, ce sont les personnes vivant dans les zones touchées par les conflits qui en sont le plus affectées.

Selon le rapport mondial sur les crises alimentaires 2019, environ 74 millions de personnes confrontées à la faim aiguë vivent dans 21 pays touchés par des conflits et l'insécurité — tout comme près de 80 % des enfants qui souffrent d'un retard de croissance ou d'une insuffisance pondérale en raison d'une malnutrition chronique.

1*ff9melLoB997Vi8lhrd85w.jpeg
Au Yémen, pays déchiré par la guerre, près de 50 % des enfants souffrent d'un retard de croissance en raison de la malnutrition. Photo : PAM/Mohammed Awadh

La situation dans les régions dans certaines parties du Yémen, du Soudan du Sud, du nord-est du Nigeria et du Sahel central est particulièrement préoccupante. Alors qu'une action collective a peut-être permis d'éviter la famine cette année, rien ne garantit que cela ne sera pas de nouveau un problème en 2021.

Le Yémen, qui en est maintenant à sa cinquième année de conflit, est traversé par 40 lignes de fronts différentes — un nombre jamais atteint auparavant. Conjuguée à l'effondrement presque complet de l'économie et à l'incapacité des fragiles infrastructures sanitaires du pays à faire face à la propagation du coronavirus, cette escalade du conflit pousse le pays au bord de la catastrophe.

"En 2018, nous avons tiré la sonnette d'alarme sur le fait que le Yémen se dirigeait vers la famine, et ce n'est que grâce à l'action décisive des donateurs et des agences humanitaires que nous avons pu empêcher que cela ne se produise", explique Beasley. "Deux ans plus tard, toutes les améliorations durement acquises ont été anéanties, et le pays est maintenant à un point de basculement".

Dans un témoignage poignant de la vie dans une zone de guerre, Amina, 12 ans, dont la famille a été forcée de fuir son Hodeidah natal pour trouver refuge dans la capitale du Yémen, Sanaa, a récemment déclaré à une équipe du PAM : "La guerre peut vous atteindre de bien des façons. Il n'y a pas que les bombardements. Les gens souffrent quand on leur enlève leurs maisons. Les gens meurent de faim et il n'y a pas assez d'eau". Elle a également ajouté : "Ce qui m'inquiète le plus, c'est que la guerre se poursuive encore et encore dans le futur. Ce sera mon avenir".

1*4TlS5VnmlYBnYfm7hZ9HIA.jpeg
" J'avais 7 ans quand la guerre a commencé. Je ne m'attendais pas à ce que cela arrive. Tout a changé. Nous avions peur", se souvient Amina, 12 ans, du Yémen. Photo : PAM/Mohammed Awadh

"Le rêve de la jeune Amina est que les combats cessent et que le Yémen retrouve la paix", dit Beasley. "Et c'est ce que j'entends sans cesse lorsque je voyage dans des pays déchirés par la guerre. Les gens me disent qu'ils s'inquiètent de ne pas avoir assez de nourriture pour nourrir leurs familles, mais ce qu'ils demandent souvent, c'est la paix — sans cela, ils savent qu'ils ne pourront pas cultiver leurs terres, envoyer leurs enfants à l'école ou construire un avenir pour leurs communautés".

"Nous devons agir maintenant pour construire la paix et mettre fin aux conflits violents", poursuit Beasley, en faisant remarquer que "c'est la seule façon d'empêcher des millions de femmes, d'enfants et d'hommes de tomber dans la faim, et d'économiser au monde des milliards de dollars en aide alimentaire humanitaire chaque année".

Plus de 80 % des ressources demandées par les appels humanitaires des Nations unies ces dernières années ont été consacrées à des actions dans des zones de conflit.

Une arme de guerre ou un outil de paix ?

Le manque de nourriture dû aux conflits est un fait bien établi. Mais l'inverse est également vrai. La pénurie alimentaire peut attiser les tensions sociales existantes, alimenter les griefs et même être à l'origine de groupes extrémistes, déclenchant ou exacerbant les conflits.

Pire encore, malgré son interdiction en vertu du droit humanitaire international (la loi qui régit la conduite des conflits), l'utilisation de la nourriture comme arme de guerre est encore très répandue.

"La nourriture, cependant, peut être un outil puissant pour construire la paix", dit Beasley.

En se concentrant sur l'amélioration de la vie de millions de personnes, les activités de développement du PAM peuvent contribuer à réduire les tensions qui pourraient dégénérer en conflit. Les programmes d'assistance alimentaire contre biens communautaires, où les bénéficiaires reçoivent une aide pour couvrir leurs besoins alimentaires lorsqu'ils construisent ou réhabilitent des biens communautaires tels que des routes, des réserves d'eau ou des systèmes d'irrigation, en sont un exemple.

Au Kirghizistan, où les disputes sur les ressources naturelles à la frontière sud avec le Tadjikistan sont largement reconnues comme une source de conflit, l'engagement du PAM auprès des communautés pour la réhabilitation des canaux d'irrigation et des canalisations dans les territoires contestés a permis d'augmenter l'approvisionnement en eau et la productivité agricole. Cela a contribué à prévenir les conflits intercommunautaires pour l'eau.

Dans une dizaine de pays, les anciens combattants sont inclus dans des projets agricoles et autres projets générateurs de revenus afin de favoriser leur réintégration dans la société et renforcer leur sentiment d'appartenance à la communauté. C'est le cas, par exemple, en Colombie, dans le Bassin du Congo et, plus récemment, dans la région autonome de Bangsamoro aux Philippines, où les anciens combattants sont encouragés à devenir gardes forestiers et à se lancer dans des activités agricoles sous l'égide conjointe des autorités locales et du PAM.

"La paix et la sécurité alimentaire vont de pair", a déclaré Beasley. "Sans action politique pour mettre fin aux guerres et promouvoir la stabilité, et sans action sur le terrain pour éradiquer certaines des causes profondes des conflits, il n'y a aucune chance d'atteindre l'objectif de la faim zéro".