Skip to main content

L’importance des cantines scolaires pour Munjama et ses amis

Des repas qui font la différence pour les enfants en Sierra Leone
, WFP (PAM)

par Lynda Buckowski, traduit de l'anglais

1*L4MRX4KAO_3n7YrWEMlvQw.jpeg
Munjama Toma (à gauche) bénéficie de repas scolaires avec ses amis Mohamed Macfoy et Munjama Kamara. Photo : PAM/Evelyn Fey

Munjama Toma, comme la plupart des enfants de 11 ans, aime surtout jouer avec ses amis et aller à l'école.

Tout comme ses amis, elle a de beaux projets d'avenir : « Quand je serai grande, je serai infirmière »

Munjama vit avec sa mère, son père et ses huit frères et sœurs dans la Sierra Leone rurale. Elle a été élevée par des adultes peu ou pas scolarisés. Dépendant des ressources de la terre, ce ménage, comme beaucoup d'autres est alors exposé à la pauvreté. Munjama est également confrontée à la réalité d'être une fille dans un pays où l'inégalité entre les sexes est systémique et le mariage des enfants répandu.

« Aller à l'école, c'est mon rêve. »

Dans l'espoir d'un avenir meilleur, elle sait que pour atteindre ses rêves, il lui faut franchir la porte de la salle de classe. Il est donc essentiel de s'assurer que les enfants comme Munjama soient encouragés par leurs parents à y assister.

L'extrême pauvreté est élevée dans les zones rurales de la Sierra Leone. Le district de Pujehun a le taux de pauvreté le plus élevé au niveau national : une famille sur trois est considérée comme étant en situation d'insécurité alimentaire. Dans le petit village de Helebu, où vivent Munjama et sa famille, la majorité des familles pratiquent l'agriculture à petite échelle, ce qui permet aux familles les plus pauvres de recevoir un faible revenu.

Bien que les rizières communales aient augmenté leur production ces dernières années grâce à l'appui du gouvernement et de partenaires tels que le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, la nourriture n'est toujours pas une ressource abondante. Les familles sont confrontées à la période de soudure annuelle et manquent de nourriture.

« J'ai une grande famille. Parfois, je n'ai pas les moyens de tous les nourrir. »

Dans ces conditions, tout type de choc, qu'il s'agisse de maladies ou de la hausse des prix sur le marché local, a un impact considérable. Presque immédiatement, la ration alimentaire quotidienne est réduite et la nutrition des enfants est particulièrement affectée. Le district de Pujehun a l'un des taux de retard de croissance les plus élevés du pays, qui se situe actuellement à 38 %.

1*CEYdQd43vWTWPjQgi7UnuA.jpeg
Photo de famille de Munjama avec son père Amara et sa mère Bindu. Photo : PAM/Lynda Buckowski

« J'ai une grande famille, huit enfants. Parfois, je n'ai pas les moyens de les nourrir tous. Avant, quand il y avait des frais de scolarité, j'avais du mal à les y inscrire », dit Amara, le père de Munjama.

Des difficultés persistantes naissent des mesures plus drastiques, notamment l'interruption de la scolarité des enfants ou les mariages précoces arrangés afin de réduire le nombre de bouches à nourrir. Dans ce contexte, ce sont souvent les filles les plus jeunes de la famille qui sont les plus vulnérables, la société donnant davantage la priorité aux garçons.

« Je ne suis jamais allée à l'école, parce qu'on n'avait pas d'argent. Au lieu de cela, j'ai été initiée au petit commerce et je me suis mariée à 15 ans », nous explique Mariama Swaray, mère de cinq enfants et voisine de la famille de Munjama.

« A l'époque, les gens n'accordaient pas beaucoup de valeur aux petites filles. L'éducation n'était pas considérée comme importante pour les femmes. »

Une fois leur éducation interrompue, ces jeunes filles sont immédiatement désavantagées par rapport au reste de la société, conditionnées à élever des enfants jeunes et à se charger du travail domestique. Ces jeunes filles voient alors l'ensemble de leurs rêves d'une vie meilleure anéantis, car la réalité du quotidien d'une jeune mère sans instruction les rattrape rapidement.

1*6c8JSum8Gy2yvZbW7O2b1w.jpeg
Munjama (à droite) et son amie Jinah Swaray à l'école. Photo : PAM/Francis Boima

L'alimentation scolaire, qui fournit aux élèves un repas chaud quotidien pendant les heures de classe, assure à ces jeunes filles un apport nutritif vital pendant leur enfance et leur adolescence. Elle incite par ailleurs les familles à envoyer leurs filles à l'école plutôt que de les forcer à travailler ou à se marier tôt.

En 2018, avec l'appui des gouvernements du Canada et du Japon, le PAM a relancé son programme d'alimentation scolaire dans deux des districts les plus touchés par l'insécurité alimentaire en Sierra Leone : Pujehun et Kambia. Au cours de la première année du projet pilote, le PAM a fourni des repas scolaires nutritifs à plus de 29 000 enfants, dont plus de 14 000 filles.

La communauté concernée a réagi positivement à ce projet pilote. Des groupes locaux de soutien aux mères se sont ralliés à la cause. Ils fournissent des aliments nutritifs supplémentaires tels que des légumes verts pour renforcer les menus scolaires, et aident également à créer des jardins scolaires visant à faire pousser leurs propres légumes.

Bien que le repas lui-même ne soit pas conçu pour remplacer les plats cuisinés à la maison, pour de beaucoup de familles nombreuses comme celle de Munjama n'ayant pas la possibilité de se procurer des aliments réguliers et nutritifs, ces repas deviennent une réelle bouée de sauvetage. La valeur d'un repas scolaire équivaut à environ 10 % du revenu d'un ménage. Cela aide les pères comme Amara à économiser pour les autres dépenses domestiques.

1*4M9Szq1fCDIfdWL0S5dgiw.jpeg
L'alimentation scolaire est une bouée de sauvetage pour les jeunes filles. Photo : PAM/Evelyn Fey

Ce changement de mentalité est également perceptible chez les hommes de la communauté. L'éducation des filles est ainsi de plus en plus considérée comme un investissement pour l'ensemble de la famille.

« J'aimerais que ma fille soit infirmière pour qu'elle puisse subvenir aux besoins de la famille », nous confie Amara. « Ni moi, ni mes femmes ne sommes éduqués. Je ne veux pas qu'elle passe sa vie dans les champs. Avec un métier, elle pourra mieux soutenir la famille. Le repas à l'école m'aide à nourrir ma famille. »

Sur le plan nutritionnel, les repas favorisent également une croissance saine chez les enfants, offrant une source régulière de nutriments essentiels à leur développement mental et physique.

« Les familles fournissent du poisson et des légumes permettant de rendre les plats meilleurs pour les enfants. Quand les enfants viennent manger, je vois qu'ils sont heureux et qu'ils deviennent plus forts chaque jour », nous raconte Jenneh Jalloh, cuisinier à l'école de Munjama.

1*ZSzwYFDHJDT4EoZ4g4J7CA.jpeg
Augustine Fallay, directeur adjoint de l'école primaire de Helebu, avec des enfants à l'heure du déjeuner. Photo : PAM/Evelyn Fey

Les enseignants font état d'une augmentation générale de la fréquentation des écoles et d'une amélioration des performances des enfants : « Avant la mise en œuvre des programmes d'alimentation scolaire, certains de ces enfants ne mangeaient qu'un repas par jour le soir et gardaient une partie des restes pour le lendemain matin. Aujourd'hui, les enfants prennent deux repas par jour et je vois qu'ils sont plus attentifs en classe », constate Augustine Fallay, directeur adjoint de l'école primaire de Helebu, que Munjama fréquente.

1*7JHYwWCJSdHZMimlOX8wGA.jpeg
Munjama (au centre) avec ses meilleures amies Jinah Swarah (à gauche) et Mariama Macfoy.

Alors que les vacances touchent à leur fin et que la nouvelle année scolaire approche à grands pas, Munjama s'engage à poursuivre ses études.

Plus éduquées que la plupart des adultes de la communauté, ces jeunes filles repoussent déjà les limites de l'autonomisation des femmes. Dans ces assiettes réside le pouvoir de maintenir les filles à l'école.