Le renversement de la situation climatique au Sahel
La désertification et les sècheresses récurrentes constituent une menace pour une bonne partie du Sahel, déjà en état fragile. Cependant, le PAM et ses partenaires apportent l'appui nécessaire afin d'arrêter l'avancée du sable, lutter contre la dégradation des sols et doter les communautés d'outils pour bâtir leur avenir.
Hama Heinikoye se rappelle de l'époque où le haut plateau qui entourait le village de Darey était plein d'arbres et de feuilles si bien que les enfants avaient peur de le traverser à cause des animaux sauvages.
« Nos chèvres étaient souvent attaqués …whooey, whooey » nous dit le chef de village, un septuagénaire qui imite les animaux dévastateurs y compris les lions selon lui. Tous les résidents de Darey rirent à ces cris imitatifs, certes pour valider le récit du chef de village mais en ayant par la même occasion des souvenirs plutôt tristes de cette période qui leur semble si lointaine.
Au fil des années, les animaux sauvages ainsi que les arbres, victimes du sable mouvant, de la dégradation du sol, et des sécheresses récurrentes commencèrent à disparaitre. Au moment où Heinikoye fêtait ses quarante ans, le plateau situé au sud-ouest du Niger était déjà devenu un sol aride et pierreux.
Aujourd'hui, les terres redeviennent vertes, les arbres et les herbes poussent le long de la ligne de crête rouge entrecroisé avec des canaux d'irrigation, les plantes de maïs et de manioc fleurissent dans les champs adjacents. Cette transformation n'est pas seulement le fait des pluies saisonnières mais est également devenue possible grâce aux efforts menés par le gouvernement contre la désertification, en collaboration avec le PAM et d'autres partenaires clés.
« La faim et la désertification vont souvent ensemble, surtout au Sahel » a déclaré Abdou Dieng, Directeur régional du PAM pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre. "Beaucoup de gens doivent faire le choix difficile entre souffrir, émigrer ou recourir à des pratiques d'adaptions néfastes, ou encore pire, s'adonner à l'extrémisme. Nous devons, et sommes capable de leur offrir des options concrètes». Ces paroles fortes démontrent la pertinence et la portée des actions menées de concert par les gouvernements, le PAM et les partenaires.
Dans l'ensemble, environ 65 pour cent des terres cultivables sont gravement affectées ou perdues en Afrique depuis 1965, selon les experts. Une grande partie de la dégradation des sols se passe dans la vaste ceinture du Sahel, qui s'étend de la Mauritanie jusqu'au Soudan. Cette situation n'a pas pour seule conséquence le desséchement des paysages, mais aussi l'accentuation de la pauvreté et la hausse des flux migratoires en quête d'emploi.
Cependant, force est de constater que grâce à l'engagement fort des gouvernements et des autres acteurs, une lueur d'espoir subsiste pour ces populations qui, petit à petit, aperçoivent le bout du tunnel. C'est ainsi que dans une demi-douzaine de pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre, un ensemble d'initiatives mises en œuvre par le PAM et d'autres partenaires commencent à produire des résultats probants.
Parmi ces résultats l'on peut citer la réhabilitation des terres agricoles et la plantation d'arbres sur le plateau de Darey situé à environ 135 km au nord de Niamey, la capitale. Pour rappel, ce plateau était dévasté jusqu'à un passé relativement récent.
En effet, «le plateau était complètement désert avant la mise en place du projet, et lorsque tombait la pluie, l'eau se déversait dans les ravins », a déclaré Gambi Issoufou, 47 ans, une des nombreuses femmes du village engagées dans le projet de réhabilitation des terres. « Mais maintenant, nous comprenons que nous pouvons régler cela. La végétation revient », ajoutera- t-elle.
Elle se rappelle avoir rejoint environ une douzaine de gens du village de Darey un après-midi pour planter des semis sous un chaud soleil, en arrosant attentivement chaque semis avec l'eau provenant d'un canal d'irrigation.
Le chef du village, Hama, a également planté son propre arbre aux alentours.
"Nous avons vraiment lutté contre l'avancée du désert à travers ces arbres", se réjouit-il.
Lancé en 2014, le projet Darey est l'une des nombreuses initiatives de réhabilitation des terres soutenues par le PAM au Niger, lesquelles initiatives incluent également des composantes de nutrition et d'éducation.
Il est à noter que le PAM s'investit également dans la préservation du projet et c'est dans cette optique que Hassane Balle, moniteur de terrain du PAM, qui aide avec le suivi de l'initiative Darey déclare ceci : « Nous œuvrons également dans la sensibilisation des communautés afin qu'elles ne soient pas des agents destructeurs de l'environnement dans lequel elles vivent ».
Précisons que des initiatives similaires de réhabilitation des terres sont en cours dans plusieurs autres régions du Niger et du Tchad qui est un pays voisin. Dans la région de Bahr El Gazel, au centre-ouest, certains agriculteurs plantent des «haies vives» contre les dunes de sable envahissantes.
"Les haies protègent également nos champs des animaux", nous déclare Fatima Haki, âgée de 40 ans et mère de huit enfants.
Fatima fait partie des plus de 300 agriculteurs qui travaillent dans les « wadis » de Bouloungou, où la haie entoure une vallée de palmiers et des champs prospères de maïs, de gombo et de mil.
En collaboration avec d'autres organisations, le PAM a attribué aux agriculteurs une somme d'argent en échange du travail qu'ils ont fourni et a financé l'installation de plusieurs pompes motorisées et des bassins versant pour l'irrigation. Les partenaires apprennent également à la communauté de boulounga ainsi qu'à des participants d'autres « wadis » à adopter de meilleures pratiques agricoles et offrent des conseils dans le domaine du petit commerce.
Tout comme Fatima, beaucoup de participants ont vu une nette amélioration de leurs rendements.
« Je vais vendre une partie des bénéfices pour acheter des denrées de première nécessité pour la famille ", a-t-elle dit," et aussi investir dans les champs afin que mes récoltes soient encore plus remarquables ".
Comme beaucoup d'autres, le mari de Fatima travaille comme journalier. D'autres résidents locaux ont migré vers N'Djamena ou plus loin, en laissant souvent les femmes en charge de l'agriculture.
Maintenant, avec Bouloungou qui produit de meilleures récoltes, Fatima espère que son mari reviendra.
«Nous ne pouvons pas empêcher la désertification, mais maintenant nous avons cette haie vive et nous travaillons ensemble» nous dit Fatima, avant de conclure avec ces mots qui traduisent l'engagement, la mobilisation et l'espoir de ces populations : "Un jour, nous arrêterons le sable".