La faim et la malnutrition augmentent en Afrique de l’Ouest et du Centre, selon un rapport
Dialo Koumba savait que la violence qui se répandait dans son pays natal toucherait un jour son village de l'ouest du Burkina Faso. Mais lorsqu'une nuit des assaillants armés ont tué ses voisins, elle et ses trois coépouses ont abandonné leur projet minutieux de vendre leur bétail avant de s'enfuir.
"Notre départ a été brutal", se souvient Kouma, 50 ans, qui a depuis rejoint son mari dans le nord de la Côte d'Ivoire. "Nous nous sommes cachés dans la brousse. Nous ne pouvions pas emporter les affaires que nous avions préparées."
"La région accueille des millions de réfugiés et des millions de personnes sont déplacées de force dans les zones sous blocus. C’est une crise humanitaire"
L’aggravation de la violence au Burkina Faso et dans d’autres pays du Sahel central – détruisant les moyens de subsistance et provoquant des déplacements massifs de population – est l’une des explications de la forte augmentation de l’insécurité alimentaire dans la région, mais pas la seule.
En Afrique de l’Ouest et centrale, près de 55 millions de personnes devraient être confrontées à une grave faim au cours de la prochaine période de soudure de juin à août – quatre millions de plus que prévu il y a quelques mois, et une multiplication par quatre en seulement cinq ans – selon les récentes analyses d'experts récemment publié.
La malnutrition a également atteint des niveaux sans précédent dans toute la région, touchant près de 17 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans.
Un mélange toxique de facteurs parfois liés est à l’origine de cette forte hausse. Les conflits et le changement climatique au Sahel déracinent les populations et alimentent la concurrence pour des ressources rares.
La flambée de l’inflation et les dévaluations monétaires dans des pays comme le Nigeria et le Ghana font augmenter la pauvreté et les prix. Les sanctions économiques et la fermeture des frontières – ainsi que la diminution de l’aide humanitaire – limitent l’aide alimentaire dont le pays a désespérément besoin.
Un an après le début de la guerre au Soudan, le peuple aspire à la paix alors que la faim augmente
"Nos équipes font tout leur possible pour rester aux côtés des personnes déplacées, en grande détresse et sans accès à la nourriture et aux besoins de base, afin de leur apporter une lueur d'espoir", déclare Margot van der Velden, responsable régionale par intérim du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l’Afrique de l’Ouest, décrivant la nécessité d’un plus grand soutien international au Sahel et à la région dans son ensemble.
"La région accueille des millions de réfugiés et des millions de personnes sont déplacées de force dans les zones sous blocus. Il s’agit d’une crise humanitaire."
Faim croissante, fonds en diminution
Les chiffres de la faim les plus alarmants se situent au Mali, pays touché par le conflit, où quelque 2 600 personnes seront confrontées à une faim potentiellement catastrophique dans les mois à venir, selon les nouvelles conclusions. À côté, certaines parties du Burkina Faso risquent de connaître des niveaux de faim d’urgence, en particulier les zones encerclées par des groupes armés.
"Des millions de personnes survivent réellement grâce à l'aide extérieure", déclare van der Velden, qui s'est rendu dans la ville isolée de Djibo, au nord du Burkina Faso, où le PAM livre de la nourriture par voie aérienne. "C’est un travail quotidien que de continuer à accéder à ces lieux. Mais dans la plupart de ces zones bloquées et de ces camps de réfugiés, il n’y a rien d’autre."
La faim augmente également ailleurs. Rien que dans la région de Tchologo, au nord de la Côte d'Ivoire - où Koumba, la demandeur d'asile burkinabaise a trouvé refuge - les derniers chiffres de la faim montrent que plus de 57 000 personnes seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë au cours de la prochaine période de soudure. La région – ainsi que d’autres régions côtières du nord de l’Afrique de l’Ouest – connaît également une forte augmentation du nombre de réfugiés et demandeurs d'asile fuyant le conflit au Sahel.
Koumba compte parmi les chanceux. Elle reçoit du PAM l'équivalent mensuel de 15 dollars en espèces pour acheter de la nourriture et d'autres produits de première nécessité. Mais étant donné la rareté des financements des donateurs, nous pourrions être contraints de réduire, voire de supprimer complètement, cette aide dès le mois prochain, si de nouveaux financements n’arrivent pas.
Les fonds se tarissent également au Tchad, où le PAM espère venir en aide à 2,5 millions de personnes affamées cette année. Parmi eux : plus d’un million de réfugiés qui ont fui le Soudan déchiré par la guerre, ainsi que le Nigeria, le Cameroun et la République centrafricaine.
"Le Tchad connaît un niveau d'insécurité alimentaire record cette année, y compris dans de nouveaux endroits où il n'y a normalement pas d'insécurité alimentaire", explique van der Velden. Cela inclut la frontière orientale du pays avec le Soudan, où des milliers de personnes déplacées par le conflit continuent d’affluer. Les fermetures de frontières ont perturbé le commerce autrefois vital entre les deux pays, ainsi que l’aide humanitaire destinée au Soudan.
"Le message est le suivant : nous devons atteindre les personnes qui souffrent de faim, négocier l’accès, renforcer l’acceptation de la communauté et chercher à lever les restrictions", ajoute van der Velden, faisant référence aux obstacles plus larges à l’accès et à l’assistance humanitaires, y compris pour d’autres pays du Sahel.
Reconstruire les moyens de subsistance
Lorsque les fonds et la sécurité existent, le PAM peut non seulement fournir une aide d’urgence mais aussi apporter des changements durables.
Dans l’est du Tchad par exemple, le PAM s’est associé à des agriculteurs communautaires et à d’autres partenaires pour restaurer plusieurs milliers d’hectares de terres dégradées, dans une zone particulièrement touchée par la désertification et le changement climatique. Les familles cultivent désormais des tomates, des poivrons et des oignons pour leur consommation personnelle et la vente, gagnant ainsi des revenus qu’elles peuvent utiliser pour d’autres investissements.
Dans la région de Maradi, au nord du Niger, des centaines de milliers d'agricultrices ont également vu leurs revenus et leurs récoltes augmenter grâce à un autre programme de renforcement de la résilience du PAM, dans le cadre duquel nous achetons également leurs produits pour nos distributions alimentaires.
"Avec le soutien du PAM, nous pouvons réaliser beaucoup de bénéfices", déclare Sa'a Moussa, présidente de l'Union Kan Mata, qui représente 19 groupements de femmes agricoles.
Ce ne sont là que deux exemples d’une initiative plus large du PAM de renforcement de la résilience couvrant plus de 3 000 villages à travers le Sahel. Plus de 80 pour cent des communautés inscrites au Niger, par exemple, n’ont plus besoin de soutien pendant les périodes difficiles, économisant ainsi l’équivalent de 50 millions de dollars en aide humanitaire.
“We bring soils back to life, and give people back their livelihoods and resilience to shocks,” van der Velden says. “We have major success stories. You cannot solve these constantly increasing problems with humanitarian assistance alone.”
"Nous redonnons vie aux sols et redonnons aux populations leurs moyens de subsistance et leur résilience aux chocs", déclare van der Velden. "Nous avons de grandes réussites. L’aide humanitaire ne suffit pas à résoudre ces problèmes sans cesse croissants."
Le travail du PAM au Sahel, et dans toute la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre est soutenu par un grand nombre de donateurs, dont le Canada, la Commission Européenne, la France, l'Allemagne, le Japon, la Suède, la Suisse, le CERF des Nations Unies et les États-Unis.
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