En proie à une spirale de faim et de violence, Haïti a besoin d'aide
Vous trouverez ci-dessous une version éditée des remarques de la Directrice exécutive adjointe du Programme alimentaire mondial, Valérie Guarnieri, lors du briefing sur Haïti au Conseil de sécurité des Nations Unies du 26 septembre.
J'ai visité Haïti il y a plusieurs mois. Et à l'époque, j'ai été frappé par les besoins croissants et les difficultés que notre équipe du Programme alimentaire mondial (PAM) et nos partenaires rencontraient pour faire entrer et sortir les marchandises de la capitale, Port-au-Prince. Nous luttions pour répondre aux besoins de la population, une population où une personne sur deux souffre d'insécurité alimentaire.
Mais il y avait d'importantes lueurs d'espoir. Les repas scolaires en faisaient partie. Nous avons atteint plus de 350 000 enfants, dont un tiers ont été nourris avec des aliments cultivés localement par de petits agriculteurs. Et nous avons intensifié nos opérations, dans le cadre des efforts du gouvernement pour garantir que tous les enfants haïtiens bénéficient de repas nutritifs à l'école.
Il y avait d'autres signes encourageants. Des dizaines de milliers de personnes sont engagées dans des travaux de réhabilitation, de construction d'actifs ruraux - qui ont soutenu la production alimentaire, et pour nettoyer et drainer les canaux dans les zones urbaines qui provoquent des inondations pendant la saison des cyclones.
Avec le soutien de la Banque mondiale, le PAM aidait le gouvernement haïtien à élaborer une politique nationale de protection sociale réactive aux chocs et incluant les personnes les plus vulnérables. Il était prévu d'ici 2024 de remettre intégralement à la charge du gouvernement les transferts monétaires, dans le cadre de ce filet de sécurité vital.
L'aide alimentaire d'urgence a également atteint plus de 450 000 personnes à travers le pays, avec des stocks prépositionnés pour soutenir l'intensification de la réponse pendant les ouragans et autres catastrophes.
Aujourd'hui cependant, la situation en Haïti a malheureusement atteint de nouveaux niveaux de désespoir. En moins d'un an, le prix du panier alimentaire de base a augmenté de plus de moitié. Le prix de l'essence a doublé. L'inflation s'élève à 31 % - la plus élevée de ces dernières années - et on s'attend à ce qu'elle continue d'augmenter.
Le diesel nécessaire à l'alimentation électrique, ainsi que la nourriture et d'autres produits de base, ne peuvent plus entrer par le port du pays. Les réserves d'eau s'amenuisent désespérément.
Le programme d'alimentation scolaire est suspendu, car il n'est pas sûr pour les enfants d'aller à l'école. Le centre économique et politique de Port-au-Prince est effectivement coupé du reste du pays, à cause des gangs qui ont la mainmise sur les principales artères entrant et sortant de la capitale.
Sombre réalité
C'est la réalité que les Haïtiens vivent au quotidien depuis des mois. Haïti figure sur la liste restreinte des pays souffrant de la faim aiguë présentés dans le dernier rapport sur les points chauds de la faim par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le PAM. Nous nous attendons à ce que la sécurité alimentaire se détériore davantage cette année, dépassant le record actuel d'environ 4,5 millions de personnes confrontées à des niveaux de crise ou d'urgence de la faim.
L'insécurité rend très difficile et dangereuse la mise en œuvre de programmes humanitaires, sans parler de ceux de développement. Les manifestants ont saccagé et pillé des entrepôts humanitaires dans tout le pays, épuisant les stocks qui étaient prépositionnés pour les catastrophes et destinés aux personnes les plus vulnérables.
En effet, en une seule semaine, le PAM en Haïti a perdu un tiers de ses stocks alimentaires lorsque deux de ses quatre entrepôts ont été délibérément ciblés et pillés. Les plus de 2 000 tonnes de nourriture pillées auraient pu soutenir près d'un quart de million de personnes vulnérables.
D'autres agences onusiennes et ONG ont également vu leurs bureaux et entrepôts pillés. Les quelque 6 millions de dollars de provisions de secours perdus auraient pu bénéficier à plus de 410 000 personnes dans le besoin. Les pillages compromettent également la préparation aux catastrophes, au plus fort de la saison des ouragans.
Malgré ces conditions difficiles, le PAM et les autres acteurs humanitaires ont l'intention de rester et de poursuivre leurs interventions en Haïti. Au cours du week-end, nous avons déjà recommencé à soutenir les Haïtiens, bien qu'à une échelle limitée, compte tenu de l'anarchie générale et de l'environnement opérationnel difficile.
Plus de soutien nécessaire
Nous avons besoin de plus de soutien de la part des États membres de l'ONU pour faciliter davantage l'accès humanitaire et protéger les humanitaires et leurs biens. Nous faisons notre part - en voyant, par exemple, un meilleur accès humanitaire à la Cité Soleil (un quartier pauvre et agité à la périphérie de Port-au-Prince).
Mais nous craignons que cette mauvaise situation ne fasse qu'empirer, car les prix des denrées alimentaires continuent d'augmenter et les stocks alimentaires s'épuisent. Et nous prévoyons une saison active des ouragans, qui ne serait rien de moins qu'une catastrophe pour cette population meurtrie.
L'aggravation des conditions signifie que le Service aérien humanitaire des Nations Unies (UNHAS) géré par le PAM, qui livre des biens essentiels - et évacue également le personnel des situations délicates - et notre service de navire, mis en place pour contourner les zones contrôlées par les gangs - sont plus cruciaux que jamais.
Ces services vitaux pour ceux que nous servons et les mesures de sécurité pour protéger notre personnel, sont sous-financés et ont besoin d'un soutien urgent. En effet, aujourd'hui, le Plan de réponse humanitaire n'est financé qu'à un cinquième, même si cette dernière crise souligne l'urgence de soutenir les Haïtiens avec des projets qui renforcent leurs moyens de subsistance et fournissent des services de base.
L'ampleur de la violence et des besoins, et le risque pour la population haïtienne - et pour ceux d'entre nous qui essayons de la soutenir - sont graves. Nous ne pouvons pas attendre. Haïti a besoin d'aide maintenant.