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Paul Arès raconte la trajédie de la guerre des diamants en Sierra Leone

ROME – Le nouveau film, Blood Diamond, explique comment les profits de l’industrie diamantaire ont alimenté le brutal conflit en Sierra Leone dans les années 1990 – période pendant laquelle l’aide alimentaire du PAM a permis de sauver la vie de milliers de civils, pris sous les feux.

Paul Arès, directeur régional du PAM en Afrique de l'Ouest entre 1997 et 2000.

Paul Arès s’entretient avec Michelle Hough, rédactrice pour le site Internet du PAM, de son expérience en tant que directeur régional du PAM en Afrique de l’Ouest entre 1997 et 2000. Quand Paul Arès a rencontré des trafiquants de diamants dans le bar d’un hôtel en Sierra Leone, il lui ont dit qu’ils étaient dans le commerce de « melons et de bananes ».

« Ils faisaient référence à la couleur des diamants bruts », dit Paul, « mais pour moi et beaucoup d’autres, ces diamants n’étaient ni jaunes, ni oranges, mais rouges, comme le sang des gens ».

Le fait d’avoir choisi des aliments comme métaphore est ironique. En effet, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, riche en diamants et pauvre en terre, la nourriture était une des chose les plus difficile se procurer pour les civils, terrorisés par les rebelles et fuyant leurs maisons.

Rien de vivant

Pendant la décennie de guerre civile, les rebelles du Front Uni Révolutionnaire coupèrent les membres des nombreuses personnes, violèrent les femmes et tuèrent des dizaines de milliers de personnes, appliquant leur opération « Rien de vivant ». Paul décrit la manière dont les rebelles ont entrepris de reprendre certaines régions, telles que le district de Kono, dans le Nord-est du pays, là où les diamants alluviaux étaient courants et facile à obtenir, car près de la surface.

En seulement quelques mois, 250'000 personnes de l’Est du pays ont fui vers « Parrot beak » région de Guinée, se rappelle Paul, d’autres vers le Liberia, pendant que beaucoup abandonnèrent leurs maisons pour trouver refuge dans d’autres régions de la Sierra Leone.

Un énorme challenge

Ces réfugiés vivaient dans une jungle dense et montagneuse, avec très peu de vivres. Il s’agissait d’un énorme challenge pour le PAM. Les largages aériens étant impossibles, alors nous avons fait appel à des camions six roues, qui pouvaient s’attaquer à n’importe quelle situation.

Les Etats-Unis ont donné 25 tout-terrains et 10 véhicules. Ils furent vitaux pour acheminer les rations de maïs et de soya mélangé, de blé boulgour, d’huile végétale, de sel et de sucre destinés aux réfugiés, dont la majorité étaient sévèrement mal nourrie après une longue période d’instabilité.

Etablir un centre de nourriture thérapeutique dans le camp au milieu de la jungle était une priorité. Ce centre était principalement destiné aux enfants mal nourris ; certains étaient sous perfusions alors que d’autres recevaient de la nourriture à haute valeur énergétique.

Les enfants soldats

Les autres camps étaient situés le long de la frontière avec le Libéria et dans le sud de la Guinée. Paul ajoute que la réelle horreur de la guerre l’a frappé lorsqu’il visita ces camps et vit des personnes dont les membres avaient été coupés par les rebelles. Ces gens dépendaient entièrement du PAM et de l’aide des autres agences.

Peut-être que le plus choquant des troubles de l’Ouest de l’Afrique des années 1990 était l’utilisation des enfants soldats.

« La manière dont ils étaient incorporé dans les rangs de la RUF a fait d’eux les plus vicieuses des machines à tuer de la région », explique Paul.

«joueur de flûte»

Les enfants, âgés de 9 à 19 ans, avaient été enlevés par les rebelles ou les avaient rejoints simplement parce qu’ils n’avaient rien d’autre à faire. Paul les décrit comme le «joueur de flûte », personnage d'un conte des frères Grimm, parce qu'ils attiraient les autres enfants dans les rangs. Beaucoup ont dû retourner dans leurs villages et tuer ou mutiler leurs parents.

Paul explique que, après la guerre, il a vu ces enfants soldats dans des centres de réhabilitation avec des cicatrices gravées sur leurs têtes rasées. On lui a dit que c’était là que leurs « grands frères » (les rebelles) leurs avaient injecté des drogues quand ils saccageaient la Sierra Leone avec leurs AK47.

Quatre ans après la fin de la guerre en Sierra Leone, le pays est encore sous le choc de la dévastation et la pauvreté est répandue. En dépit de ses richesses diamantaires, le chômage est élevé et le pays se situe au 176ème rang sur 177 dans le rapport de développement humain des Nations Unies.

Reconstruction

Ces gens ont un grand besoin de paix et de stabilité. Le PAM les aide à reconstruire leurs vies, grâce à des programmes d’alimentation scolaire, de travail contre nourriture et de nourriture contre formation.

Le projet de redressement du PAM en Sierra Leone, au Liberia et en Guinée fait face à une insuffisance de 35 millions de dollars. Aujourd’hui, il est difficile de comprendre pourquoi la Sierra Leone a besoin d’aide lorsque l’on considère les millions de dollars que pourraient valoir les diamants enfermés sous leurs pieds.

Paul ajoute que, lorsque les histoires de ces pays sont écartées de l’agenda international, parce qu’elles ne sont plus considérées comme urgences, elles sont alors également écartées des consciences et les dons diminuent dramatiquement.

Ramener l’attention

Une super production hollywoodienne comme Blood Diamond ramène l’attention du public aux anciennes zones de guerres, qui essaient de se relever après des années de bouleversement.

Paul a amené sa propre contribution au film avec des photos personnelles des opérations du PAM durant ces années dans l’Ouest de l’Afrique. L’équipe de tournage les a utilisées afin d’assurer l’authenticité.

Paul a quitté son poste en 2000, mais la manière dont il étale nombre de cartes de la région devant moi, à son bureau au siège du PAM à Rome, et m’explique soigneusement les flux de réfugiés et les histoires relatives à ce conflit, montre qu’une part de lui est restée là-bas.

Il a été pris deux fois en otage lors de son travail pour le PAM en Afrique de l’Ouest. Il a aussi risqué sa vie. Pourquoi l’a-t-il fait ?

« Je fait ce travail parce que je crois en ce que nous essayons de faire et je ressens un sentiment de satisfaction formidable lorsque j’aide les gens », dit Paul.