Les directeurs des urgences de la FAO et du PAM développent une stratégie d’intervention en République démocratique du Congo
Mme Denise Brown, Directrice des urgences du Programme alimentaire mondial (PAM) et M. Dominique Burgeon, Directeur des urgences de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en visite en République démocratique du Congo, unissent leurs forces afin de développer une stratégie conjointe d’intervention.
Le pays connaît une crise complexe et prolongée depuis plus de deux décennies, exacerbée en 2016 par un contexte économique défavorable et une aggravation de l’insécurité liée à l’émergence de conflits dans des provinces jusqu’alors relativement paisibles.
Avec 3,7 millions de personnes déplacées, la RD Congo est le pays africain le plus affecté par les déplacements internes. Les femmes constituent 52 % des personnes déplacées. L’extrême pauvreté dans laquelle la majorité de la population vit et la très faible couverture des services sociaux de base accentuent la vulnérabilité et réduisent la résilience des communautés rurales.
C’est dans ce contexte que M. Dominique Burgeon et Mme Denise Brown ont entamé leur mission de terrain à Goma où ils visiteront les sites des personnes déplacées internes. Depuis 2009, le Nord-Kivu demeure la province la plus affectée par les mouvements de personnes dont l’unique cause est les affrontements et les attaques armées.
Les provinces du Nord et du Sud-Kivu disposent d'une grande diversité de zones climatiques favorables à l'agriculture qui fournit près de 75 % des emplois. Pourtant, le secteur agricole fait face à de nombreuses contraintes liées notamment aux difficultés que rencontrent les petits exploitants pour accéder à la terre, à l’insuffisance des infrastructures et l'accès limité à l’énergie. Les déplacements intempestifs et l’insécurité constituent également une contrainte majeure.
Outre les conflits armés, la RDC est fortement touchée par des crises touchant la filière animale. En mai 2017, plusieurs foyers de grippe aviaire ont été déclarés dans la province de l’Ituri. La FAO estime qu’entre 30 000 à 60 000 volailles devraient être abattues pour stopper la propagation du virus.
Protéger et renforcer les moyens d’existence pour sauver des vies
Les directeurs des urgences poursuivront leur visite à Kalemie afin d’assister au lancement du programme d’appui aux chaînes de valeur des petits producteurs agricoles dans les territoires de Kabalo et Nyunzu.
Depuis juin 2016, la province du Tanganyika est confrontée à une crise alimentaire. Une analyse a montré que près de 8 ménages sur 10 sont affectés par l’insécurité alimentaire sévère et modérée. En outre, plus de 524 000 personnes se sont déplacées au cours des dix derniers mois et ce, en raison des affrontements intercommunautaires entre les Twa et les Bantou.
La population paysanne de certains territoires a déjà raté deux saisons culturales consécutives depuis la résurgence de ce conflit en juillet 2016. Dans d’autres territoires, les activités champêtres ont été suspendues ou ralenties.
Le programme conjoint PAM-FAO ‘Achats pour le Progrès’ (P4P) prévoit un environnement où les petits exploitants agricoles familiaux passent d’une agriculture de subsistance à une agriculture orientée vers le marché. Au total 18 000 ménages recevront un appui technique afin de relancer leurs activités agricoles et commerciales.
Un accent particulier sera mis sur les aspects d’égalité entre sexes, l’autonomisation des femmes, la réconciliation, la cohabitation pacifique et le renforcement de la paix. Des initiatives d’épargne-crédit seront soutenues pour améliorer et diversifier les moyens d’existence, pour une résilience accrue au niveau communautaire. La sécurité alimentaire représente un facteur essentiel pour rétablir la paix et la cohésion sociale dans les communautés rurales.
Une nouvelle crise aiguë et sévère
Enfin, la visite de terrain se clôturera par une rencontre avec la communauté humanitaire et les populations de Tshikapa et Kananga dans la région du grand Kasaï. Ces provinces traversent une crise alimentaire sans précédent. Plus d’un million de personnes ont été obligées de quitter leurs habitations.
Les familles affectées ont vu leurs greniers et leurs champs brulés détruisant ainsi toutes les récoltes de la saison et rendant l’accès à l’alimentation difficile. Le semis pour la prochaine saison culturale sera compromis si aucune intervention n’est planifiée. Sur tous les territoires touchés par le conflit, la majorité de la population n’a plus cultivé la terre depuis neuf mois. Nul ne sait encore où ces femmes, ces enfants et hommes trouveront leurs nourriture quotidienne.
A travers ces visites, les directeurs des urgences souhaitent tirer la sonnette d’alarme auprès des bailleurs de fonds. Depuis le début de ces nouvelles crises, les acteurs humanitaires peinent à lever des fonds pour répondre aux besoins urgents des populations affectées.
Si la communauté internationale n’intervient pas rapidement, les différentes crises en RDC mettront en danger des milliers de vies humaines. Les mouvements de population risquent également d’augmenter la pression sur les moyens d’existence des communautés d’accueil déjà fragilisées par l’insécurité alimentaire chronique.
Alors que la RDC a le potentiel de nourrir toute la population du continent africain, la nation compte encore près de 10 % de sa population en situation de besoin humanitaire dont l’assistance agricole et alimentaire d’urgence. Les directeurs en mission se sont accordés à développer une stratégie et des programmes conjoints afin, qu’en collaboration avec le Gouvernement et ses partenaires, les populations puissent s’inscrire dans une dynamique de production alimentaire durable dès que les conditions sécuritaires le permettent.
La réponse conjointe FAO-PAM adoptera une double approche intégrée en associant l’assistance alimentaire d’urgence fournie par le PAM au travers notamment des transferts monétaires ou de vivres ainsi que la fourniture d’intrants et services agricoles par la FAO avec des interventions facilitant la redynamisation de l’économie locale tout en respectant les ressources naturelles ainsi que l’égalité des genres.
La stratégie conjointe s’articulera sur deux interventions, d’une part protéger et renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations et d’autre part favoriser la relance de l’agriculture et son rôle clé dans la cohésion sociale.