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La faim dans les montagnes : l’heure tourne pour les rescapés du séisme

Des témoignages qui montrent la lutte pour la survie des communautés montagnardes du Cachemire. Un mois après le séisme, beaucoup d'entre eux se retrouvent toujours sans nourriture ni abri.

Après le séisme du mois dernier, les communautés montagnardes du Cachemire administré par les autorités pakistanaises luttent pour survivre sans nourriture ni abri. Alors qu’il ne reste que quelques semaines avant qu’elles ne soient hors d’atteinte en raison de l’hiver, leur avenir est en jeu. Le porte-parole du PAM, David Orr, nous fait part de leur besoin crucial d’aide.




Vallée de Jhelum, 4 novembre 2005 – En mourant dans le séisme du 8 octobre dernier qui a dévasté des régions entières d’Asie du Sud, Mohammed Noor a laissé derrière lui deux veuves et trois enfants. Une autre de ses filles, Minhas, âgée de quatre ans, est morte à ses côtés.

Chaque jour, sa mère Raheela, âgée de 20 ans, se rend sur la tombe de sa fille et, à chaque fois, elle pleure.

Vivre dans une remise


Raheela, 20ans pleure sa fille de 4 ans. Leur maison ayant été détruite, les deux veuves et les trois enfants survivants logent aujourd’hui dans une remise au cœur du petit hameau de Nadarjian. Leur communauté, au fond de la vallée de Jhelum dans le Cachemire pakistanais, a été coupée du monde par des glissements de terrain et la seule façon d’y entrer et d’en sortir est dorénavant par les moyens aériens. Le PAM et l’armée pakistanaise ont eu recours à des hélicoptères pour apporter des secours à 5 000 personnes qui vivent dans le village et les montagnes alentour.

De la boue et des décombres

Nous avons survécu grâce à un peu de maïs et, maintenant qu’il n’y en a plus, les enfants crient de faim.







Mohammed Younis

est l’un de ceux qui sont descendus de Nadarjian en quête de nourriture. Il vit à près d’une journée de marche, mais quand les stocks de nourriture furent épuisés, il n’eut d’autre choix que d’entreprendre le voyage. Ses deux femmes et ses douze enfants comptent sur lui.
« Quand notre maison a été détruite, nos stocks de nourriture ont été mêlés à la boue et aux décombres » déclare M. Younis qui attend de recevoir les premières rations alimentaires pour sa famille depuis que le désastre s’est produit.
« Nous avons survécu grâce à un peu de maïs et, maintenant qu’il n’y en a plus, les enfants crient de faim ».

Vivre au gré des saisons

Comme la plupart des agriculteurs de ces montagnes, M. Younis cultive le maïs et élève quelques têtes de bétail. Les familles vivent dans des huttes au sommet des montagnes d’avril à octobre puis redescendent vers leurs lieux d’habitation permanents pour préparer l’hiver.
Mais ce mode de vie a volé en éclats avec le tremblement de terre.
La plupart des maisons de la vallée sont en ruine. Presque tout le monde dort dehors, exposé aux éléments.

Sous la neige

Un hélicoptère livre des vivres à Nadarjian.
Une poudrée blanche recouvre déjà les plus hauts sommets et, à une altitude de 1 670 mètres au-dessus du niveau de la mer, Nadarjian peut craindre d’être sous la neige à la fin du mois.
Cela laisse une fenêtre d’à peine quelques semaines aux autorités pakistanaises et à la communauté humanitaire pour intervenir et sauver des centaines de milliers de vies.
Les hélicoptères ayant des capacités limitées, les routes bloquées doivent être dégagées afin que les quantités nécessaires de secours – en particulier de la nourriture et des tentes - puissent être acheminées. Suffisamment d’aide doit être pré-positionnée pour que ceux qui en ont besoin survivent au long et rigoureux hiver qui les attend.

Faire exploser les rochers

Dans la vallée voisine de Neelum – l’épicentre du séisme – des kilomètres entiers de route ont cessé d’exister en raison de glissements de terrain massifs.
L’armée pakistanaise fait sauter la roche dans une tentative pour atteindre ceux qui vivent dans l’extrémité supérieure de la vallée. Mais pour le moment, Kamsar est le dernier point qui peut être atteint par la route et au cours des dernières semaines des milliers de personnes des montagnes avoisinantes y ont convergé pour recevoir de la nourriture du PAM.

De minces couvertures


Parmi ceux qui ont récemment marché jusqu’à Kamsar se trouvent

Noor Hussein et son neveu Babar

, 17 ans, dont le père est mort dans le tremblement de terre.
Cela leur a pris deux jours de marche pour faire le voyage le long d’un col montagneux escarpé. La nuit, ils ont dormi sur le sol rocailleux avec seulement de minces couvertures pour les protéger du froid.
« Nous sommes de Jheeng et nous devons attendre que ce soit au tour de notre village d’être ravitaillé » dit Noor Hussein.
« Depuis quatre jours, nous n’avons rien eu d’autre que du maïs et un peu d’eau. Babar a six petits frères et sœurs à la maison et ils ont vraiment très faim. »

Les hélicoptères au-dessus des têtes









Mansoor Hussein

est lui aussi descendu de la montagne vers Kamsar. Les jours qui ont précédé son départ pour un trek de quatre jours, il avait les yeux fixés vers le ciel et voyait les hélicoptères voler haut au-dessus de sa tête. Mais aucun n’a atterri à Neelum, son village.
A la maison, sa femme, ses quatre enfants et sa vieille maman : tous ont faim.
« Si la route était dégagée, nous pourrions nous diriger vers Muzaffarabad, dit-il. Mais il n’y a que le col pour franchir les montagnes et c’est trop difficile pour les enfants ou les personnes âgées. »
Comme pour mieux illustrer son propos, il exhibe son bras bandé, résultat d’une chute qu’il a fait au cours du voyage et qui aurait pu le jeter dans un précipice.

Perdre le contact

A moins que les choses ne changent, un grand nombre de personnes va mourir dans les villages lorsque l’hiver viendra. Normalement, nous sommes autosuffisants et nous pouvons vivre dans ces montagnes. Mais pas maintenant, pas comme ça.



Une autre raison pour laquelle les habitants des montagnes ne veulent pas partir est qu’ils craignent de perdre le contact avec leur communauté et leur mode de vie.
Les camps pour les rescapés, officiels ou spontanés, qui ont surgi autour des villes n’offrent pas beaucoup d’attrait pour ce peuple des collines, à l’esprit d’indépendance, habitué à vivre près de la nature.
« A moins que les choses ne changent, un grand nombre de personnes va mourir dans les villages lorsque l’hiver viendra » dit M. Hussein.
« Normalement, nous sommes autosuffisants et nous pouvons vivre dans ces montagnes. Mais pas maintenant, pas comme ça. »

Précieuses vaches

Les stocks de céréales d’hiver étant presque épuisés, les familles qui vivent dans ces montagnes ont commencé à abattre les précieuses vaches qui leur restaient pour se nourrir.
La saison des plantations a été manquée parce que les gens étaient trop occupés à enterrer leurs morts, à chercher de quoi soigner les blessés et à trouver des moyens de survie immédiate, pour penser à leur récolte.
« Je souhaiterais que le monde puisse voir ce qu’est réellement la situation, dit M. Hussein. Nous ne sommes pas des gens qui aiment demander de l’aide mais nous n’avons pas le choix. »