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Déclaration du Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial au Conseil de sécurité des Nations Unies

NEW YORK – Pardonnez ma franchise, mais j'aimerais vous exposer de manière très claire ce à quoi le monde fait face en ce moment même. Alors que nous sommes confrontés à une pandémie de COVID-19, nous sommes également au l’aube d'une pandémie de la faim. Dans mes conversations avec les dirigeants du monde entier au cours des derniers mois, avant même que le Coronavirus ne devienne un problème, je disais que 2020 verrait la pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale pour un certain nombre de raisons.

Comme les guerres en Syrie et au Yémen. L'aggravation des crises dans des endroits comme le Sud-Soudan et, comme Jan Egeland l'expliquera sans doute, le Burkina Faso et la région du Sahel central. Les essaims de criquets pèlerins en Afrique, comme l'a souligné le directeur général Qu dans son discours. Et des catastrophes naturelles plus fréquentes et des changements climatiques. La crise économique au Liban qui touche des millions de réfugiés syriens. La RDC, le Soudan, l'Éthiopie. Et la liste est encore longue. Nous sommes déjà confrontés à un désastre en marche.

Alors aujourd'hui, avec la COVID-19, je veux souligner que nous ne sommes pas seulement confrontés à une pandémie sanitaire mondiale, mais aussi à une catastrophe humanitaire mondiale. Des millions de civils vivant dans des pays en conflits, dont de nombreuses femmes et enfants, risquent d'être poussés vers la famine. Le dangereux spectre de la famine est une possibilité on ne peut plus réelle.

Cela semble vraiment choquant, laissez-moi vous donner les chiffres : 821 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide dans le monde entier, souffrant de faim chronique, et comme le montre le nouveau Rapport mondial sur les crises alimentaires publié aujourd'hui, 135 millions de personnes supplémentaires sont confrontées à la faim à des niveaux dits de crise, ou pire. Cela signifie que 135 millions de personnes sur terre sont au bord de la famine. Mais aujourd'hui, l'analyse du Programme alimentaire mondial montre qu'en raison du Coronavirus, 130 millions de personnes supplémentaires pourraient être dans le même cas d’ici à la fin de 2020. Cela représente un total de 265 millions de personnes. 

Aujourd'hui, le PAM offre un moyen de survivre à près de 100 millions de personnes, contre 80 millions il y a quelques années seulement. Cela inclut environ 30 millions de personnes qui dépendent littéralement de nous pour rester en vie. Si nous ne pouvons pas atteindre ces personnes avec l'aide vitale dont elles ont besoin, notre analyse montre que 300 000 personnes pourraient mourir de faim chaque jour sur une période de trois mois. Et cela n'inclut pas l'augmentation de la famine due au COVID-19.

Dans le pire des cas, nous pourrions être confrontés à la famine dans une trentaine de pays, et en fait, dans dix de ces pays, plus d'un million de personnes par pays sont déjà au bord de la famine. Dans de nombreux endroits, cette souffrance humaine est le lourd tribut des conflits. 

Au PAM, nous sommes fiers que le Conseil de sécurité ait pris la décision historique d'adopter la résolution 2417 en mai 2018. C'était incroyable de voir le Conseil se réunir. Maintenant, nous devons tenir notre promesse de protéger les plus vulnérables et agir immédiatement pour sauver des vies. 

Mais ce n'est à mon avis que la première partie de la stratégie nécessaire pour protéger les pays en conflit contre une pandémie de la faim causée par le Coronavirus. Il existe également un réel danger que l'impact économique du COVID-19 fasse plus de victimes que le virus lui-même. 

C'est pourquoi je parle d'une pandémie de la faim. Il est essentiel que nous nous réunissions en tant que communauté mondiale unie pour vaincre cette maladie et protéger les nations et les communautés les plus vulnérables de ses effets potentiellement dévastateurs.

Les fermetures généralisées et la récession économique entraîneraient une perte de revenus importante pour les travailleurs pauvres. Les envois d’argent à l'étranger vont également diminuer fortement, ce qui va nuire à des pays comme Haïti, le Népal et la Somalie, pour ne citer qu'eux. La perte des recettes touristiques portera préjudice à des pays comme l'Éthiopie, où elles représentent 47 % des exportations totales. L'effondrement des prix du pétrole dans les pays à faible revenu comme le Sud-Soudan aura un impact important, où le pétrole représente 98,8 % des exportations totales. Et, bien sûr, lorsque les financements des pays donateurs diminueront, quel sera l'impact sur l'aide étrangère qui permettra de sauver des vies ?

Les conséquences économiques et sanitaires de COVID-19 sont particulièrement inquiétantes pour les communautés des pays d'Afrique et du Moyen-Orient, car le virus menace de détériorer encore davantage la vie et les moyens de subsistance des personnes déjà victimes des conflits. 

Le PAM et ses partenaires font tout ce qui est en leur pouvoir pour les aider, nous ferons tout notre possible. Par exemple, nous savons que les enfants sont particulièrement vulnérables à la faim et à la malnutrition, c'est pourquoi nous donnons la priorité à l'aide qui leur est apportée. 

En ce moment, comme vous le savez peut-être, 1,6 milliard d'enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés en raison des fermetures d'écoles. Près de 370 millions d'enfants ne bénéficient pas de repas scolaires nutritifs - vous ne pouvez qu'imaginer que lorsque les enfants ne reçoivent pas la nutrition dont ils ont besoin, leurs défenses humanitaires diminuent. Là où les repas scolaires nutritifs ont été suspendus en raison des fermetures d'écoles, nous nous efforçons de les remplacer par des rations à emporter à la maison, dans la mesure du possible.

Comme vous le savez, le PAM est l'épine dorsale logistique du monde humanitaire et, plus encore maintenant, de l'effort mondial pour vaincre cette pandémie. Au nom de l'Organisation mondiale de la santé, nous avons livré des millions et des millions d'équipements de protection individuelle, de kits de test et de masques faciaux à 78 pays. Nous assurons également des services aériens humanitaires pour permettre aux professionnels de la santé de première ligne, aux médecins, aux infirmières et au personnel humanitaire de se rendre dans les pays qui ont besoin d'aide, à plus forte raison alors que l'industrie du transport aérien de passagers est presque à l’arrêt.

Mais nous devons faire beaucoup plus, et j'invite instamment le Conseil à montrer la voie. Avant tout, nous avons besoin de la paix. Comme l'a récemment déclaré très clairement le Secrétaire général, un cessez-le-feu mondial est essentiel. 

Deuxièmement, nous avons besoin que toutes les parties impliquées dans les conflits nous donnent un accès humanitaire rapide et sans entrave à toutes les communautés vulnérables, afin qu'elles puissent leur apporter l'aide dont elles ont besoin, quels que soient leur identité ou leur lieu de résidence. De manière générale, nous avons également besoin que les biens humanitaires et les échanges commerciaux continuent à passer les frontières, car ils sont à la base des systèmes alimentaires mondiaux ainsi que de l'économie mondiale. Les chaînes d'approvisionnement doivent continuer à circuler si nous voulons surmonter cette pandémie et acheminer les denrées alimentaires de leur lieu de production vers les lieux où elles sont nécessaires. Cela signifie également qu'il faut résister à la tentation d'introduire des interdictions d'exportation ou des subventions à l'importation, qui peuvent entraîner des hausses de prix et se retournent presque toujours contre nous.

Le PAM travaille main dans la main avec les gouvernements pour mettre en place et renforcer les politiques de protection sociale nationales. Cela est essentiel en ce moment pour garantir un accès équitable à l'aide et contribuer à maintenir la paix et à prévenir la montée des tensions entre les communautés. 

Troisièmement, nous avons besoin d'une action coordonnée pour soutenir l'aide humanitaire qui sauve des vies. Par exemple, le PAM met en œuvre des plans visant à prépositionner trois mois de nourriture et d'argent en espèces pour servir les opérations de pays identifiées comme prioritaires. Nous demandons aux donateurs d'accélérer le financement de 1,9 milliard de dollars (US) déjà promis, afin que nous puissions constituer des stocks vitaux, et protéger les plus vulnérables des effets des perturbations de la chaîne d'approvisionnement, des pénuries de produits, des dommages économiques et des blocages. Vous comprenez exactement de quoi je parle.

Nous demandons également 350 millions de dollars supplémentaires pour mettre en place un réseau de plateformes logistiques et de systèmes de transport afin de maintenir les chaînes d'approvisionnement humanitaire en mouvement dans le monde entier. Ils permettront également de fournir des hôpitaux de campagne et des évacuations médicales aux travailleurs humanitaires et sanitaires de première ligne, en fonction des besoins et de manière stratégique.

Excellences, il y a deux ans, le Conseil de sécurité a pris une mesure historique en reconnaissant et en condamnant les conflits et leur coût humain dramatique, lié à la pauvreté et à la faim. La résolution 2417 a également souligné la nécessité de mettre en place des systèmes d'alerte rapide, et aujourd'hui, je suis ici pour tirer la sonnette d'alarme. 

Il n'y a pas encore de famine. Mais je dois vous avertir que si nous ne nous préparons pas et n'agissons pas maintenant - pour garantir l'accès, éviter les déficits de financement et les perturbations du commerce - nous pourrions être confrontés à de multiples famines aux proportions bibliques dans les prochains mois. 

Les mesures que nous prendrons détermineront notre succès, ou notre échec, dans la mise en place de systèmes alimentaires durables, base de sociétés stables et pacifiques. La vérité est que nous n'avons pas le temps de notre côté, alors agissons avec sagesse - et agissons vite. Je crois qu'avec notre expertise et nos partenariats, nous pouvons réunir les équipes et les programmes nécessaires pour faire en sorte que la pandémie de COVID-19 ne devienne pas une catastrophe humanitaire et une crise alimentaire.  Alors, Monsieur le Président, merci, merci beaucoup.

[Traduit de l'anglais]

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Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, qui est le plus grand organisme humanitaire au monde, œuvre à sauver des vies dans les situations d'urgence, à favoriser la prospérité et à bâtir un avenir durable pour les personnes ayant pâti des répercussions d'un conflit, d'une catastrophe ou du changement climatique.

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